Le rapport du Comité scientifique de la Commission européenne de la santé et du bien-être des animaux « Les aspects de bien-être des canards et oies dans la production de foie gras » a été adopté le 16 décembre 19981.
Ce rapport, établi par des scientifiques internationaux, est sans appel pour la production de foie gras : il s’est intéressé à l’ensemble des aspects de cette production et des conséquences sur la santé des oies et des canards. Il conclut que le gavage est préjudiciable au bien-être des oiseaux.
Cette conclusion est confirmée par le rapport du Pr. Broom et du Dr. Irene Rochlitz de l’Université de Cambridge de 2015 intitulé « Le Bien-être des canards pendant la production de foie gras2 ».
En France, des scientifiques de l’INRA interviennent parfois pour défendre l’indéfendable. Nous avons démontré que ces scientifiques français étaient en situation de conflit d’intérêts.
La stéatose hépatique est pathologique
La section « Gavage et pathologie » traite de la réversibilité de la stéatose hépatique (condition d’un foie hypertrophié d’un animal gavé) et du caractère pathologique du foie gras (5.4.3, p. 41) :
« La réversibilité de la stéatose […] ne signifie pas que les changements dans le foie ne sont pas pathologiques. Une autre manière d’aborder le caractère pathologique des modifications apportées au foie par le gavage est de se demander si les oiseaux mourraient si le niveau de stéatose constaté en fin de gavage devait perdurer. Tous les producteurs prennent soin de maintenir des bons résultats techniques et de ne pas prolonger le gavage quelques jours de plus, car de nombreux oiseaux pourraient en mourir. Les foies de ces animaux développeraient une stéatose à peine plus avancée avant qu’ils n’en meurent. Il n’a pas été conduit d’étude sur les taux de mortalité en cas de prolongation du niveau de stéatose atteint en fin de gavage. Cependant, si le gavage est poursuivi pendant 3 à 4 jours, le niveau de dommage cellulaire augmente significativement (Bogin et al., 1984). Ce que confirment des témoignages d’éleveurs qui indiquent que la mortalité augmente si le gavage est prolongé plus longtemps que d’habitude. Il apparaît donc que le niveau de stéatose ordinairement observé en fin de gavage ne serait pas tenable pour de nombreux oiseaux. Pour cette raison, et parce que le fonctionnement normal du foie est sérieusement altéré chez ces oiseaux au foie hypertrophié en fin de gavage, ce niveau de stéatose doit être considéré comme pathologique. »
Autres extraits du rapport
« Le gavage fait grossir le foie au point que l’abdomen s’en trouve élargi. Il est ensuite logique que les pattes soient positionnées plus loin de la ligne médiane du corps, ce qui rend la locomotion plus difficile. » (8.1.I.7, p. 61)
« La quantité importante d’aliments intubés à grande vitesse au cours du procédé de gavage provoque immédiatement une distension de l’œsophage, une augmentation de la production de chaleur par l’organisme et des halètements, ainsi que l’excrétion de matières fécales semi-liquides. » (8.1.I.9, p. 61)
« Des études sur les taux de mortalité et sur les pertes pendant les 2 semaines de la période de gavage ont été menées en France, Belgique et Espagne. Le taux de mortalité des oiseaux pendant les deux semaines de gavage se situe entre 2 et 4 %, à comparer à des taux de l’ordre de 0,2 % chez les oiseaux non gavés. […] Les causes précises de cette mortalité n’ont pas été documentées, mais elles incluent vraisemblablement blessures physiques, stress thermique et défaillance du foie. » (8.1.I.11, p. 62)
« Il y a des indices qui indiquent que si les canards et les oies sont gavés pendant une période plus longue qu’en élevage commercial, la mortalité peut être très élevée, causée principalement par la défaillance du foie. Ainsi, il est clair que la stéatose et les autres effets du gavage s’avèrent mortels lorsque les opérations sont poursuivies. » (8.1.I.12, p. 62)
« Conclusion
Le Comité scientifique de la santé et du bien-être des animaux conclut que le gavage, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, est préjudiciable au bien-être des oiseaux. » (8.2, p. 65, en gras dans le rapport)
Auteurs
Le groupe de travail qui a établi ce rapport était constitué de :
- Dr. P. Le Neindre
Institut de la recherche agronomique, Theix, France - Prof. P. Willeberg
Royal Veterinary & Agricultural University, Frederiksberg, Danemark. - Prof. P. Jensen
Swedish University of Agricultural Sciences, Skara, Suède - Prof. D. Broom
Dept. of Clinical Veterinary Medicine, University of Cambridge, Grande-Bretagne - Prof. J. Hartung
Institut fur Tierhygiene und Tierschutz, Tierarztliche Hochschule Hannover, Allemagne - Dr. R. Dantzer
Neurobiologie Intégrative Unité 394, INSERM, Bordeaux, France. - Prof. D. Morton
Dept. of Biomed. Science and Biomed. Ethics, Medical School, University of Birmingham, Grande-Bretagne - Prof. P. Bénard
Faculty of Veterinary Medicine, Université de Toulouse, France - Prof. M. Verga
Facolta di Medicina Veterinaria, Universita di Milano, Italie - Dr. J. M. Faure
Poultry Research Station (INRA), Nouzilly, France - Dr. I. Estevez
- Dr. B. Nicks
Faculty of Veterinary Medicine,University of Liège, Belgique
1. Scientific Committee on Animal Health and Animal Welfare, « Welfare Aspects of the Production of Foie Gras in Ducks and Geese », adopté le 16 décembre 1998. Le texte complet de ce rapport était disponible sur le site de l’Union européenne. On peut le consulter sur une archive en ligne (en anglais).
La LFDA en propose une analyse critique (en français) sur son site.
2. Broom D. M., Rochlitz I., 2015. « Le Bien-être des canards pendant la production de foie gras ».
Une version de ce rapport a été publiée en 2017 : « The Welfare of Ducks During Foie Gras Production », Animal Welfare vol. 26 no 2, p. 135-149.