Suisse-France : Guerre du lapin – Le Dauphiné libéré

Article paru dans « Le Dauphiné Libéré » le 20 avril 2008, rubrique consommation, couverture des éditions Ain et Haute-Savoie.

Dégoûtés, les Suisses nous font le coup du lapin

Le lapin de batterie dans les étals suisses, c’est fini. Depuis le mois de mars, les grands noms de la distribution helvète ferment un à un la porte aux éleveurs qui pratiquent l’élevage intensif.
Point de départ de la fronde : la diffusion d’un reportage sur une télé alémanique. Ce dernier dénonçait les conditions d’élevage de lapins italiens. Dès le lendemain de la diffusion, Manor retirait de ses étals sa viande d’origine italienne.
Depuis, appuyé par le lobbying de Kagfreiland, association suisse de protection des animaux, d’autres chaînes d’hypers et de supermarchés suisses ont suivi. Notamment Migros, Coop, Denner ou plus récemment Globus.
Et cet embargo sur le lapin italien vaut aussi pour la France. Normal, « entre Italie et France, les conditions d’élevage sont similaires », explique Brigitte Gothière, porte-parole de L214, une association de protection des animaux d’élevage. Le sujet, elle le connaît bien. L’association vient de rendre publique une enquête menée durant six mois sur la filière lapine. Ses conclusions ? « Édifiantes ! » Promiscuité, apathie, développement de maladies… « L’élevage en cage ne peut répondre aux besoins des animaux », tranche Brigitte Gothière. L’élevage en cage concerne pourtant selon elle 99 % de la filière française.

« D’un point de vue purement commercial, c’est mauvais »

À Genève, dans les rayons de Manor, ce sont aujourd’hui les lapins hongrois qui se sont substitués à la viande d’origine italienne et française. Réactions dans l’hyper ? Bien moins achalandé au moment de Pâques, puisque Manor venait tout juste de révoquer son ancien fournisseur, les clients ont fait grise mine.

Un choix éthique qui se traduirait donc en flop commercial ? « Quand on l’explique aux clients, ils finissent par comprendre », défend Walter Manzi, responsable de l’alimentation dans le grand magasin genevois. Il l’admet pourtant : « D’un point de vue purement commercial, c’est mauvais ». Tant pis. L’enseigne ne reviendra pas en arrière. « Le plus important reste la transparence. À long terme, notre engagement est la meilleure solution. C’est en tout cas notre philosophie. »
Une éthique toute suisse que les associations de protection peinent à voir transposer en France. «Les normes suisses sont bien plus élevées qu’en Europe et il y a une autre mentalité, une meilleure adéquation entre comportements d’achats et conscience citoyenne», poursuit Brigitte Gothière.
N’empêche que d’un point de vue économique, l’élevage français risque d’en pâtir. Selon L214, depuis que l’Allemagne a durci ses critères d’exigence sur le bien-être des animaux, les exportations françaises de lapins auraient chuté de 20 %.
Encore plus radical, l’Autriche a purement et simplement interdit depuis fin 2007 la commercialisation de bêtes élevées en cage. Une première.

POUR EN SAVOIR PLUS
L’enquête menée sur la filière lapine par L214 est accessible à l’adresse suivante : www.l214.com/lapins.
REPÈRES
EN CHIFFRES
La Suisse ne produirait que 20 % de sa consommation de viande de lapin, le reste étant le fruit de l’importation. L214 évalue à 180 000, le nombre de lapins importés de France chaque année.
D’après l’enquête réalisée par L214, le taux de mortalité dans les filières intensives françaises atteindrait près de 29 % pour les lapines reproductrices et 26 % pour les lapereaux. La France ne compterait en tout et pour tout qu’une dizaine d’éleveurs de lapins bio.
LÉGISLATION HELVÈTE
En matière de protection animalière, la confédération helvétique a encore rehaussé d’un cran sa législation (lire notre édition du 7 mai). À compter du 1er septembre, il sera ainsi impossible d’acheter un cochon d’inde seul (animal éminemment sociable, c’est le duo qui est imposé), de castrer un porcelet sans anesthésie préalable ou de détenir une chèvre seule sans qu’elle ait de contacts visuels avec l’un de ses congénères.

Virginie BORLET

Article Dauphiné Libéré