Déclaration de Martin Balluch, 26 août 2008

Ce texte de Martin Balluch a été publié le 26 août 2008 en anglais sur le site de VGT

Message au mouvement international pour les droits des animaux

Nous voici incarcérés depuis trois mois sans aucune issue en vue !

A la mi-mai, la plus grosse opération de police jamais menée en Autriche contre un mouvement de justice sociale fut conduite à l’aube dans vingt-trois domiciles et bureaux de défenseurs des droits des animaux. Des policiers masqués braquèrent leur armes sur plus de trente personnes qu’ils tirèrent ainsi de leur lit, et endommagèrent les lieux. Du matériel appartenant à sept groupes de défense des droits des animaux fut saisi – il ne leur a toujours pas été restitué à ce jour.

De même à ce jour, dix militants sont encore sous les verrous, sans charges ni preuves.

Durant les trois derniers mois, des informations concernant cette opération de police ont été mises au jour. Nous savons maintenant que dix-sept personnes avaient leur téléphone sur écoute et que leurs courriers électroniques étaient lus depuis un an et demi, que l’entrée de trois domiciles était filmée, que deux voitures étaient munies d’appareils permettant de connaître les trajets effectués et que des micros furent cachés dans sept domiciles et bureaux. En plus de cela, le compte en banque d’une vingtaine de personnes fut mis sous contrôle et dix-sept personnes furent surveillées et suivies durant des mois. Mais ce n’est pas tout : des policiers infiltrèrent des groupes de défense des droits des animaux, dont VGT.

Cette opération massive menée aux frais du contribuable qui a coûté plus d’un million d’euros, c’est-à-dire beaucoup plus que les dommages causés par les soi-disant délits dont ils étaient censés trouver les auteurs, n’a conduit NULLE PART. Ils n’ont trouvé aucune preuve d’actes délictueux.

Mais nous sommes encore en prison. Au lieu d’être suspectés d’avoir commis des délits précis, nous sommes supposés former une organisation criminelle. Et pour étayer une telle supposition, l’accusation dit qu’il n’est pas nécessaire de posséder une quelconque preuve d’acte criminel. Les suspects n’ont pas même besoin de se connaître les uns les autres. Pour devenir suspect, il suffit que vous meniez votre campagne pour les droits des animaux pendant qu’au même moment des personnes qui vous sont inconnues commettent un délit visant à soutenir le même but ou un but proche de celui de votre campagne. Pouviez-vous imaginer que nous puissions être emprisonnés pour cela ?

J’ai été interrogé par la police durant vingt heures. Elle a exposé l’ensemble des « preuves » qu’elle possède contre moi. Les voici :

  • J’envoie des courriers électroniques encryptés.
  • VGT se réunit dans des lieux qui ne sont pas accessibles au public.
  • VGT n’expose pas ses actions de façon ouverte au téléphone.
  • Pris en dehors de leur contexte, cinq des courriers électroniques sur les cinq mille que j’ai écrits durant les onze dernières années (!) paraissent radicaux.
  • J’ai des contacts internationaux.
  • J’organise beaucoup de conférences et de réunions en vue de recruter de nouveaux activistes.
  • J’écris des livres et participe à des émissions de radio et de télévision sur les droits des animaux, où il arrive que des brochures radicales soient utilisées et l’ALF mentionné.

C’est tout. Voici ce que sont les « preuves » qui ont été recueillies contre moi. Il n’y a rien de plus que cela. Selon le ministère public et le juge des détentions préventives, cela justifie ma détention pour Dieu sait combien de mois et peut-être un jugement. Pour l’accusation et pour la police, la plupart des militants en Autriche font partie d’une immense organisation criminelle, qui est responsable de toutes les actions de l’ALF commises où que ce soit. Leur interprétation du terme « organisation » permet cela. Elle signifie « avoir le même état d’esprit ». N’importe quelle personne, favorable aux droits des animaux, et le demeurant après que quelqu’un a, quelque part et avec la même idéologie, commit un délit, appartient à cette organisation.

C’est tellement ridicule que j’aurais ri si quelqu’un m’avait dit cela dans le passé. Maintenant, que je suis en prison, je ne ris plus. Cela est devenu sérieux.

Qu’est-il en train de se passer ici ? Eh bien j’essaie de le deviner. Il est clair, je crois, que ceux qui sont au pouvoir, ceux qui forment l’unité de police spéciale et qui ont fait démarrer tout cela, n’avaient qu’une seule chose inscrite dans leur agenda : écraser le mouvement pour les droits des animaux, écraser VGT, et faire taire tout particulièrement ce Balluch.

Il y a de bonnes raisons de penser que c’est exactement ce à quoi cette unité était destinée. Par exemple, nous avons un rapport de l’unité de police spéciale entièrement consacré à la manière de démanteler et de détruire VGT. Ils y discutaient les moyens d’attaquer ce groupe et planifiaient la prochaine réunion sur le même sujet cinq jours plus tard. Et cette réunion se tint un mois après mon incarcération. Cela prouve que ce ne sont pas des actes criminels qu’ils veulent élucider. Ils veulent porter un coup fatal. Ils veulent détruire VGT, ses réseaux qui ont obtenu des succès, son infrastructure. Ils utilisent simplement que fait que des délits ont été commis, quoiqu’à un niveau très bas, comme une excuse pour construire cette « organisation criminelle » afin de justifier les opérations de police à grande échelle et les mois, sinon les années, de détention préventive.

Plus le temps passe, plus cet incroyable cauchemar se mue en un gigantesque scandale aux proportions démesurées ! Quel exorbitant abus de pouvoir ! Quel assaut totalitaire contre la démocratie et les droits de l’homme ! J’espère que vous êtes d’accord avec le fait que l’on ne peut les laisser faire tranquillement tout cela. Si un tel comportement d’État policier devient la norme, qui osera se lever et critiquer le système ? Qui pourra poursuivre les campagnes en faveur des droits des animaux ? Car après tout, RIEN de ce que j’ai fait et qui m’a propulsé en prison ne sortait de l’ordinaire de notre façon de mener nos activités en faveur des droits des animaux. Si je peux être emprisonné pour cela, n’importe qui peut l’être. Cela veut dire que faire campagne pour les droits des animaux, de quelque manière que ce soit, c’est avoir déjà un pied en prison.

Je ne peux que répéter cela : mes amis, nous vivons un moment historique. Les droits des animaux sont devenus un véritable défi lancé au système, que le pouvoir a décidé d’écraser avec brutalité. Nous devons tenir bon tous ensemble et lutter pour gagner la bataille décisive. Nous n’avons pas le droit de les laisser continuer ainsi. Nous devons gagner. Nous ne voulons plus de répression. Le militantisme ne doit plus être bâillonné. Si nous ne parvenons pas à stopper cette opération et à saisir ceux qui en sont responsables, nous ne pourrons plus jamais défendre les droits des animaux. Nous ne devons pas battre en retraite. C’est tout ou rien.

Je compte beaucoup sur vous !

Martin Balluch, Prisonnier politique, JA-Josefstadt Vienne