Cette traduction a été effectuée à partir d’une traduction anglaise du document. Les soulignements (en gras) ont été ajoutés pour faire ressortir les passages les plus significatifs
(1) Il n’appartient naturellement pas à Amnesty International de se prononcer sur la question de savoir si les accusés sont coupables des faits qui leur sont reprochés (atteinte à la propriété, coercition, menaces graves envers des personnes). Amnesty International tient à rappeler que le principe de présomption d’innocence est ancré dans la Convention européenne des droits humains (article 6, §2) et dans le Code autrichien de procédure pénale (section 8).
(2) En premier lieu, Amnesty International affirme qu’au regard des droits humains, toutes les nations ont l’obligation de protéger l’intégrité physique des personnes, ainsi que leur propriété, et que la liberté d’opinion est protégée à la condition de ne pas violer d’autres droits. Les lois protégeant l’intégrité physique et la propriété des personnes valent, bien entendu, pour les membres actifs de la société civile, indépendamment des causes en faveur desquelles ils s’engagent.
En application du droit de libre expression, l’action sociale ou politique – quel qu’en soit l’objet – jouit d’une protection spéciale, du moment qu’elle est non violente et respecte les droits humains d’autrui. La défense d’une cause ne justifie pas les dommages à la propriété ni les menaces envers les personnes. Les enquêtes criminelles et autres mesures envers des membres de la société civile ne sont donc pas problématiques en elles-mêmes dans la perspective des droits humains.
(3) Cependant, Amnesty International souligne que l’affaire en cause illustre plusieurs des inquiétudes précédemment exprimées par notre organisation dans un texte portant sur la loi réformant le code pénal autrichien (Strafrechtsänderungsgessetz) en 2002, à propos des crimes décrits dans la section 278 et suivantes se rapportant aux associations et organisations criminelles.
Tout en reconnaissant la nécessité d’amender le code pénal autrichien pour l’harmoniser avec la Convention des Nations Unies sur le crime organisé transnational, Amnesty International considère que la révision de ce code a été disproportionnée, allant au-delà des exigences de la Convention des Nations Unies. À propos de la version primitive de la section 278 du code pénal, Amnesty International a déjà précédemment souligné que – bien que des crimes tels que la résistance à l’autorité de l’État ou des atteintes graves à la propriété d’autrui ne soient probablement pas des comportements sociaux adéquats dans une société démocratique, et doivent en tout état de cause être réprimés par le code pénal – il semble inadéquat de postuler qu’une situation dans laquelle un certain nombre de manifestants résistent à l’autorité de l’État implique l’existence d’un groupe lié au crime organisé.
Dans la position exprimée dans son texte sur la loi réformant le code pénal autrichien de 2002, Amnesty International a mis en garde sur le fait que le nouveau catalogue des crimes et délits relevant du terrorisme et du crime organisé avait été formulé de façon exagérée. Amnesty International a fait remarquer que des associations écologistes bien connues, telles que Greenpeace, pourraient entreprendre des actions telles que l’occupation d’une centrale nucléaire, que dans ce cas, elles pourraient être considérées comme ayant enfreint la loi, et qu’alors les personnes qui font des dons à ces associations pourraient, selon le code pénal, être accusées de financer le terrorisme.
Amnesty International souligne que l’expression «crime organisé » renvoie à la volonté d’enrichissement personnel et se rapporte aux crimes les plus graves, caractérisés par l’intention de maximiser les profits (trafic de drogue, trafic d’armes, vol et trafic d’œuvres d’art, proxénétisme, prostitution, trafic d’êtres humains, organisation illégale de jeux d’argent, fraude sur les jeux, racket, dépôt illégal de matières dangereuses dans des décharges, transfert illégal de technologie, blanchiment d’argent, terrorisme : voir également l’article 5 (1) de la Convention des Nations Unies sur le crime transnational organisé.)
Amnesty International souligne que l’intention d’enrichissement personnel est absente dans l’affaire en cause. Les informations à notre dispositions indiquent que le Procureur général ne soutient pas qu’il y ait eu une telle intention dans le cas présent. Amnesty International déplore que les prétendus chefs d’accusation spécifiques ne fassent pas référence aux délits d’atteinte à la propriété, coercition ou menace, mais qu’en lieu et place, l’accusation porte sur le délit général d’appartenance à une organisation criminelle, délit dont le caractère vague nous semble problématique.
4) En ce qui concerne les perquisitions et saisies, Amnesty International se réfère à l’impératif lié aux droits humains selon lequel ces opérations doivent avoir un caractère approprié au regard des circonstances, impératif qui est également exprimé dans le Code autrichien de procédure pénale. Les rapports existants sur la situation font douter du respect de ce critère lors des perquisitions et des arrestations par la police. Par conséquent, Amnesty International recommande instamment que soit menée une enquête indépendante et impartiale sur la conduite de ces opérations et se félicite que des procédures d’appel aient été engagées par les avocats de la défense. Se référant à l’article 4 § 7 de la loi sur les libertés individuelles (Bundesverfassungsgesetz über den Schutz der persönlichen Freiheit, PersFrG), Amnesty International considère qu’une attention particulière doit être portée au fait que les personnes détenues ont rapporté que les autorités ne leur avaient pas permis de contacter leurs avocats.
Amnesty International signale également que le mandat de perquisition (qui est à notre disposition) n’indiquait pas clairement quelle preuve était recherchée. L’expression « des moyens de stockage électronique ainsi que des documents et objets significatifs » est très imprécise. Amnesty International a pu observer, dans d’autres contextes, que l’usage de semblables formules-type avait permis de justifier des atteintes aux libertés fondamentales et craint que leur utilisation dans le cas présent n’inspire le doute sur l’attention portée à l’obligation de rester dans le cadre des limites permises par le respect des droits humains.
(5) Amnesty International s’inquiète des rapports indiquant que l’ampleur des perquisitions et le genre de matériel saisi ont probablement été de nature à empêcher le travail légitime d’associations légales. Alors que le procureur général chargé de cette affaire affirme que les accusations d’infractions criminelles ne visent aucune des associations, les rapports que nous avons reçus indiquent que la saisie des matériels de ces associations a été effectuée de telle sorte qu’elle les a privées de moyens (liste des donateurs par exemple) nécessaires à la poursuite de leur activité.
Dans ce contexte, Amnesty International insiste sur le fait que les enquêtes criminelles à l’encontre d’individus ne devraient pas tenir compte de leur éventuelle appartenance à des institutions ou associations. Les autorités doivent tout faire pour éviter de donner l’impression qu’elles considèrent acceptable le fait d’entraver le fonctionnement d’associations légales.
(6) Amnesty International s’inquiète au sujet d’informations fournies par les avocats des prévenus, selon lesquelles l’accès aux dossiers était limité au point que des informations spécifiques n’étaient pas disponibles, pas même celles concernant les éléments de « suspicion raisonnable » (dringender Tatverdacht) ou les « causes probables » (Haftgrund) des arrestations. Ainsi, l’information nécessaire à la défense des détenus ou susceptible de permettre la contestation de leur incarcération est refusée aux avocats.
Amnesty International souligne que selon l’article 5 § 2 de la Convention européenne des droits humains, toute personne arrêtée doit être informée, dans les plus brefs délais, des raisons de son arrestation et de la nature des accusations portées contre elle. Conformément à l’article 51, § 2, dernière phrase, du Code autrichien de procédure pénale, suite au placement en détention provisoire, il n’est pas permis de restreindre l’accès aux documents nécessaires au prévenu pour sa défense, pour faire appel contre les éléments de « suspicion raisonnable » retenus contre lui et les « causes probables » de son arrestation.