L'arrêté précisant les conditions de mise à mort des poussins issus de la filière œufs a été publié ce mercredi 7 décembre. Il confirme que des poussins mâles pourront continuer d'être éliminés à la naissance par gazage, malgré l'interdiction promise par le gouvernement. 15 % des poussins, soit 8,5 millions chaque année, continueront d'être tués. L214 dénonce la trahison du gouvernement.
Si l'arrêté met fin au broyage des poussins issus de la filière œufs, il continue d'autoriser l'élimination par gazage des poussins issus de poules blanches, utilisés ensuite pour l'alimentation animale.
Pas d'ovosexage pour les poussins issus de poules blanches
L'arrêté pose une exception à l'interdiction pour les « poussins issus de souches dont le sexe de l'embryon ne peut pas être déterminé selon une méthode basée sur la différence de couleur des plumes ».
Traduction : les poussins dont la couleur des plumes ne peut pas être différenciée dans l'œuf sont ceux des poules blanches (mâles et femelles sont blancs), dont les œufs (blancs) sont utilisés pour la transformation. Ils représentent 15 % des poussins selon la filière, soit 8,5 millions de poussins par an (chiffres 2021 : 57 millions de poules pondeuses dans les élevages, donc 57 millions de poussins mâles nés. 15 % de 57 millions = 8,5 millions).
Pour ces poussins, le sexage in ovo basé sur la couleur des plumes est impossible, il faut recourir à d'autres méthodes, telles que l'analyse hormonale, utilisée en Allemagne.
Il est incompréhensible que les poussins issus de poules blanches puissent continuer à être gazés quand on sait que d'autres méthodes existent et sont employées à l'étranger : en Allemagne, où le broyage et le gazage sont interdits depuis le 1er janvier 2022, la majorité des poules pondeuses sont blanches (les Allemands préfèrent les œufs à la coquille blanche tandis que les Français consomment des œufs bruns).
Cette autorisation de mise à mort des poules blanches est d'autant plus inquiétante que le directeur du CNPO (Comité national pour la promotion de l'œuf), Maxime Chaumet, a indiqué qu'il y aurait « peut-être une nouvelle répartition entre poules brunes et poules blanches ». La filière pourrait choisir pour des raisons économiques de recourir à davantage de poules blanches, ce qui augmenterait le nombre de poussins gazés à la naissance sans qu'aucune limite ne soit posée par la réglementation.
Qui sont les poussins « utilisés pour l'alimentation animale » ?
L'arrêté mentionne les « poussins des lignées de l'espèce Gallus gallus destinées à la production d'œufs de consommation, utilisés pour l'alimentation animale ».
Traduction : une exception est faite, non pas juste pour « nourrir les rapaces et les reptiles, dans les zoos notamment » comme le prétend le directeur du CNPO, mais plus largement pour l'alimentation animale. Les fabricants d'aliments pour animaux (chiens, chats, cochons, poissons…) pourraient donc continuer d'utiliser des poussins gazés à la naissance et mis dans les bacs d’équarrissage.
Impossible de dire combien de poussins sont concernés, mais en tout cas pour l'industrie la porte est ouverte : si on passait à 100 % de poules blanches, tous les poussins pourraient être tués.
Des éléments de langage mesurés pour préparer les dérogations
Depuis le début, le gouvernement joue sur l'ambiguïté dans sa communication : il promet l'interdiction pure et simple de la mise à mort des poussins (comme dans ce tweet, où l'ex-ministre de l'Agriculture Julien Denormandie s'exprime en vidéo), alors qu'en regardant dans le détail les communications de ces derniers mois, on comprend qu'il prépare des exceptions.
Un exemple dans cette communication de février où la fin de l’élimination semble acquise mais où, quelques paragraphes plus bas, le gouvernement annonce en fait déjà les dérogations.
Plus récemment, un article du journal Réussir rapportait les négociations entre le CNPO et le ministère de l'Agriculture.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « On peut saluer le gouvernement pour ses éléments de langage ! Avec le recul, on s'aperçoit que les fausses pistes se sont habilement succédé dans les communications du ministère de l'Agriculture : depuis le début, on nous mène en bateau en faisant miroiter une interdiction de la mise à mort des poussins ; en réalité, le gouvernement préparait le terrain pour que cette interdiction ne concerne pas tous les poussins, à la demande de la filière œufs. Nous sommes évidemment déçus et en colère. Le gouvernement doit aller au bout en interdisant la mise à mort de tous les poussins mâles, comme il l'avait promis. Si l'Allemagne l'a fait, alors nous pouvons le faire ! »
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