Le 03/11/2016
Ce jeudi 3 novembre, L214 rend publiques plusieurs vidéos tournées dans l’abattoir de Limoges et montrant une nouvelle fois des souffrances animales sévères et de graves défaillances des opérations d’abattage. Il s’agit du plus gros abattoir public de France, approvisionnant notamment les grandes surfaces comme Leclerc, Intermarché et Carrefour. L’abattage de vaches gestantes y est fréquent. Dans la boyauderie de l’abattoir, les images montrent l’ouverture d’utérus de vaches contenant des fœtus de tous âges et parfois des veaux sur le point de naître.
La vidéo principale (abattage des bovins) est commentée par la pianiste Vanessa Wagner.
→ Site limoges.abattoir-made-in-france.com
→ Utiliser des photos de l’enquête
Tournées en mai, août et fin septembre 2016 et révélées dans Le Monde ce matin, les images ne laissent aucun doute quant à la gravité de la situation, malgré les inspections mandatées par le gouvernement dans les abattoirs français en avril 2016 – qui n’avaient relevé à Limoges aucune non-conformité majeure. Il s’agit du septième abattoir mis au jour en un an.
C’est un employé travaillant depuis plus de 6 ans à l’abattoir de Limoges qui a contacté L214. Choqué par le nombre de foetus (des dizaines chaque semaine) et de veaux prêts à naître jetés à la poubelle, il a filmé une partie des images (l’ouverture des utérus) révélées aujourd’hui par L214. Il souhaite s’engager aujourd’hui pour qu’une loi interdise l’abattage des vaches gestantes.
→ Son témoignage dans un article du Monde
D’autres images montrant la mise à mort de bovins, moutons et cochons mettent au jour un taux démesuré d’étourdissements ratés et d’animaux présentant des signes de conscience, tentant de se relever ou réalisant des mouvements de tête, dans une souffrance évidente. Le matériel défaillant et l’infrastructure de l’abattoir, le défaut d’autocontrôle, l’utilisation systématique de décharges électriques – y compris dans les yeux – pour faire avancer les animaux, et l’absence d’intervention des services vétérinaires ajoutent à la violence inhérente aux méthodes de mise à mort (électrocution, perforation du crâne, ou égorgement sans étourdissement préalable).
L214 porte plainte contre l’abattoir auprès du Tribunal de grande instance de Limoges.
Prenant appui sur l’avis d’experts et les initiatives gouvernementales ayant cours en Allemagne, l’employé de l’abattoir et L214 lancent conjointement une pétition demandant l’interdiction en France de l’abattage des vaches au moins lors du dernier tiers de leur gestation.
“Après les scandales d’Alès et de 5 autres abattoirs en à peine une année, ces nouvelles images sont la preuve, s’il en fallait, que les abattoirs sont toujours des lieux de violence et de souffrances intenses pour les animaux.
Cette réalité devrait nous amener à envisager sérieusement d’abandonner nos habitudes alimentaires carnées, étant donné l’ensemble des alternatives à notre disposition pour nous nourrir aujourd’hui. Par ailleurs, s’il est une mesure immédiate à prendre d’urgence, l’abattage de vaches gestantes compte parmi les atrocités qu’aucune société civilisée ne saurait justifier. » Brigitte Gothière, porte-parole de L214
Bovins, agneaux, cochons : manquements et souffrance partout
L214 publie ce jour trois vidéos montrant l’abattage des bovins, des agneaux et des cochons. Toutes trois montrent des violations récurrentes des exigences légales :
- utilisation systématique de décharges électriques pour faire avancer les animaux. Décharges envoyées y compris dans les yeux des animaux
- taux extrêmement alarmant d’étourdissements ratés ou inefficaces (pistolet à tige perforante ou électrocution) : des animaux relevant le corps ou la tête après étourdissement, y compris pendant la saignée
- mauvais positionnement du matériel d’étourdissement sur les animaux (décharges sur le museau, le cou ou le groin, coups de pistolets mal placés)
- 24% des cochons et 15% des bovins reçoivent un 2e étourdissement, preuve de l’inefficacité des premiers coups
- absence de contrôle de l’état de conscience des animaux sur la chaîne (strictement aucun contrôle observé sur la chaîne des cochons et des moutons)
- absence d’immobilisation des moutons après leur égorgement sans étourdissement
- absence d’intervention du personnel vétérinaire en poste dans l’abattoir
D’après les critères des Nations Unies, une situation grave
Dans son document Bonnes pratiques pour l’industrie de la viande (2006, p. 14), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qualifie de “problèmes graves” des étourdissements
électriques inefficaces sur moins de 95% des animaux. En deçà de 98% la FAO estime la situation inacceptable.
→ Sur les vidéos étudiées par L214, 43 cochons sur 179 reçoivent un 2e étourdissement, soit un minimum de 24% de premiers étourdissements inefficaces.
De même, la FAO estime que des “problèmes graves” ont lieu lorsque l’étourdissement par perforation du crâne fonctionne au premier coup sur moins de 90% des animaux, et qualifie d’inacceptable un étourdissement efficace sur moins de 95% d’entre eux.
→ Sur une des vidéos étudiées par L214, 27 bovins sur 180 reçoivent un minimum un 2e étourdissement, soit un minimum de 15% de premiers étourdissements inefficaces.
Ces chiffres ne tiennent comptent que des défauts d’étourdissement qui ont été détectés par les opérateurs.
L’inspection vétérinaire n’avait rien vu d’alarmant
Malgré l’affectation de 2 vétérinaires et de 10 techniciens des services vétérinaires sur l’abattoir de Limoges, aucune intervention du personnel de contrôle n’est observée sur les vidéos pour exiger des mesures correctives aux multiples infractions et défaillances constatées.
Pire, lors des inspections mandatées par le Ministère de l’agriculture en avril dernier suite aux scandales des abattoirs d’Alès, Le Vigan et Mauléon-Licharre, les inspecteurs relèvent d’importants manquements sans en tenir compte dans la note attribuée à l’abattoir.
Dans le rapport n°16-016850 du 22 avril 2016, il est observé que sur 11 porcs contrôlés, 10 reçoivent un étourdissement de secours pendant leur saignée suite à des signes de reprises de conscience. Malgré une preuve de défaillance évidente du système d’étourdissement, la note attribuée à ce point est un “A-conforme”!
En dépit d’autres manquements relevés dans les rapports, l’abattoir s’est vu attribuer la note globale “B-non conformité mineure”.
Une pétition pour interdire l’abattage des vaches gestantes
Le nombre de vaches gestantes abattues dans les abattoirs français est inconnu. Toutefois selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), “Il résulte d’un certain nombre d’enquêtes (croisées) effectuées dans des abattoirs en Allemagne, Italie, Luxembourg et Belgique, que 10-15 % de vaches abattues étaient enceintes, souvent abattues pendant la dernière période de gestation.” En France, 1,76 millions de vaches sont abattues chaque année, on peut donc estimer qu’environ 200 000 vaches gestantes sont concernées.
L’envoi de vaches gestantes à l’abattoir pourrait s’expliquer par divers facteurs : maladies ou infections touchant les vaches en élevage (mammites notamment), faible valeur marchande des veaux (mâles), gain de poids, ou encore collecte de sérum foetal dans certains abattoirs…
En Allemagne, le ministre de l’Agriculture Christian Schmidt a annoncé vouloir mettre fin à l’abattage des vaches gestantes dans le dernier tiers de gestation en raison de la capacité probable des foetus, à un stade avancé de leur formation, à ressentir la douleur.
« Dans l’état actuel de nos connaissances scientifiques, nous pouvons supposer que le foetus, lorsqu’il meurt par suffocation, subit de la douleur et de la souffrance. » – Dr. Theodor Mantel, président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires allemands.
Prenant appui sur les avis d’experts et l’initiative du gouvernement allemand, l’employé d’abattoir, lanceur d’alerte et L214 demandent au Ministre de l’Agriculture français de légiférer pour mettre un terme à l’abattage des vaches arrivées à au dernier tiers de leur gestation et lance une pétition publique pour soutenir cette réforme.