De 22 000 à 110 000 poulets : souffrances extrêmes, impact environnemental alarmant et désastre économique annoncé
Le 4 mars, à 9h30, au tribunal administratif de Lille, se tiendra l’audience portant sur le recours déposé par les associations L214 et AIVES contre la décision du Préfet du Pas-de-Calais d’autoriser l’extension de l’élevage intensif de poulets de chair de Pihem (62).
En 2021, L214 avait révélé les conditions de vie des 22 000 poulets présents dans cet élevage. Malgré des difficultés économiques avérées, l’exploitant avait déposé une demande d’extension visant à multiplier par cinq la taille de son élevage. Un projet qui représente un calvaire insoutenable pour les animaux et une aberration économique, environnementale et sanitaire.
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- Communiqué de presse du 7 avril 2021
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Lors de l’enquête publique, une opposition massive s’était exprimée, portée par des citoyens et plusieurs associations (Aives, Flandres au nom de la terre, PHEA et L214). Malgré les alertes concernant notamment les impacts sur les animaux, l’environnement, la santé publique et la situation économique de l’exploitant, le Préfet avait autorisé cette extension. Face à cette décision, L214 et AIVES avaient déposé un recours pour obtenir son annulation : l’audience se tiendra le 4 mars.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Cette audience donne au juge l’occasion de reconnaître que l’élevage intensif, au regard des enjeux sociétaux, éthiques et environnementaux, constitue une aberration, y compris sur le plan légal. Ce projet illustre parfaitement le décalage entre les attentes sociétales et les politiques publiques, qui privilégient les intérêts économiques des industriels au détriment des animaux, de l’environnement et des éleveurs, souvent endettés à vie dans ce système. Nous attendons une décision qui protège les animaux et qui marque un tournant dans la lutte contre l’industrialisation toujours plus poussée de l’élevage. »
Pour Jean-Michel Jedraszak, médecin et président de AIVES : « Cette audience est une occasion pour le juge de relever et dénoncer les nettes insuffisances du dossier de demande d’autorisation de cet élevage sur le volet environnemental et sanitaire. Les zoonoses – et en particulier les risques de contamination humaine du virus aviaire de la grippe H5N1 – les résistances aux antibiotiques, les émissions du gaz ammoniac – gaz précurseur des particules fines PM2.5 –, les émissions de gaz à effet de serre, les pollutions des eaux par les nitrates… sont en partie liés à la proliférations des élevages intensifs, cela n’apparaît pas ou trop peu dans le DDAE. Nous attendons une décision qui protège les humains, les animaux et l’environnement, les 3 étant intimement liés selon le concept One Health. »
Une décision déterminante pour l’avenir de l’élevage intensif
Le tribunal administratif de Lille devra statuer sur la légalité de l’autorisation préfectorale. Les associations soulignent les carences du dossier déposé, les conditions d’élevage effroyables et les risques sanitaires, environnementaux et économiques bien identifiés.
50 000 poulets par bâtiment
Il s’agit d’un élevage standard de poulets : les poulets y sont entassés à 21 kg / m2, issus de souches à croissance ultra-rapide. Les images de cet élevage diffusées par L214 en 2021 montrent les souffrances intenses endurées par les animaux présents dans le bâtiment existant. Plus de 50 000 poulets sont prévus dans les 2 nouveaux bâtiments, le double du nombre de poulets sur les images de 2021. De nombreuses études scientifiques alertent sur le mal-être des animaux dans ces conditions d’élevage (voir par exemple l’étude de l’EFSA de 2023 ou l’évaluation du Welfare Footprint).
Souveraineté alimentaire ?L’alimentation de ces poulets contient du maïs et du soja OGM importé (alimentation avant 14 jours, après 14 jours). La sécurité alimentaire est un sujet au cœur des préoccupations pour les années à venir au vu des impacts du changement climatique et des enjeux de politiques internationales.
Maïs et soja OGM proviennent d’Amérique du Sud avec des enjeux forts concernant la déforestation provoquant des émissions de gaz à effet de serre et la destruction de puits de carbone essentiels. Par ailleurs, dans le dossier ICPE, l’éleveur mentionne des émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 1 180,8 t CO2e/an (DDAE, p. 15) soit l’équivalent de la combustion de 400 000 L de diesel.
Éleveur endettéComme dans de nombreux élevages intensifs, l’augmentation de la taille de l’exploitation nécessitera d’importants investissements que l’éleveur devra rembourser sur de longues années. Ce type de projet, présenté comme une opportunité économique, conduit en réalité à une dépendance accrue aux coopératives et aux banques et à des revenus faibles et précaires pour les agriculteurs.
Pour ce projet, l’éleveur doit emprunter près de 1,4 M€ sur 12 ans (DDAE, p. 35) et ainsi rembourser 10 500 € par mois alors qu’il était déficitaire au cours des années précédant le dépôt du dossier. Le livre d’Ulysse Thévenon Le sens du bétail, paru le 26 février, documente cette spirale d’endettement des éleveurs.
Risques sanitaires accrusPar ailleurs, et particulièrement dans les Hauts-de-France, l’épidémie de H5N1 est bien présente : l’OMS alerte régulièrement sur les risques de santé publique liés à ce virus qui échappe à tout contrôle.
Sortir de l’élevage intensif : une attente citoyenneEn France, 80 % des animaux destinés à la consommation sont élevés dans des élevages intensifs, c’est-à-dire sans aucun accès au plein-air. Pourtant, la population rejette massivement ce modèle : 83 % des Français souhaitent l’interdiction de l’élevage intensif (Baromètre Fondation 30 Millions d’Amis, Ifop 2025). Malgré cette opposition, les filières agro-industrielles continuent d’imposer leur logique, encouragées par des décisions administratives favorisant toujours plus d’extensions et de créations de méga-élevages.
L214 et AIVES demandent l’annulation pure et simple de ce projet, véritable absurdité éthique, économique et environnementale.