Extrême violence et pratiques interdites : L214 interpelle Marc Fesneau
La nouvelle enquête de L214, filmée entre mai et septembre 2023, dévoile des pratiques terribles dans un élevage intensif de Corbeil (Marne). Elle montre des manipulations violentes et illégales sur des porcelets : claquage à mort contre le sol bétonné, castration chirurgicale sans anesthésie ni analgésiques, coupe routinière des queues.
Des animaux ne sont ni soignés ni secourus, comme cette truie et ce porcelet qui présentent une descente d’organes, ces nouveau-nés en détresse, ou ce porcelet étouffé sous le corps de sa mère.
Des coups de truelle sont portés aux truies en maternité afin de les faire se lever pour ramasser des porcelets morts dans leur cage.
Certains porcelets claqués sont dévorés par des chats qui errent dans les couloirs de l’élevage.
L’élevage compte environ 4 000 animaux enfermés dans un environnement insalubre (poussière, mouches, excréments dans l’eau d’abreuvage, morts parmi les vivants), souvent en cage individuelle, ou en box collectif entassés les uns sur les autres. Des milliers d’asticots grouillent dans les poubelles d’équarrissage, où les corps d’animaux morts sont en état de putréfaction très avancée.
Face à cette situation, L214 appelle le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau à interdire le claquage des porcelets et toute forme de castration.
Ressources libres de droits
Cet établissement dépend de la coopérative Cirhyo, qui regroupe 660 éleveurs. C’est un des leaders français du marché du porc. Cirhyo travaille avec les abattoirs Tradival, dont elle détient 28 % du capital. La viande produite par la coopérative est principalement vendue en grandes et moyennes surfaces, majoritairement sous la marque Herta, et chez des artisans bouchers.
L214 porte plainte pour sévices graves et mauvais traitements
L’association porte plainte pour sévices graves et mauvais traitements auprès du procureur du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne pour les faits suivants :
- castration à vif ;
- caudectomie systématique (coupe des queues routinière) ;
- mise à mort sans étourdissement préalable (claquage) ;
- défaut de soins ;
- installations sources de souffrances pour les animaux ,
- entrave à la liberté de mouvement ;
- défaut d’équarrissage ;
- défaut de nettoyage.
L214 appelle Marc Fesneau à agir
En 2019, le ministre de l’Agriculture de l’époque, Didier Guillaume, annonçait sur France Inter la fin du claquage des porcelets : « Dans les mois qui viennent, ça va être terminé, tout cela ». Quatre ans plus tard, plusieurs millions de porcelets sont encore tués par percussion de la boîte crânienne.
Par ailleurs, depuis janvier 2022, la castration sans anesthésie et sans analgésiques est interdite. Dorénavant, les éleveurs peuvent castrer les porcelets sous anesthésie et antidouleur ou choisir de ne plus les castrer. En élevage, l’usage d’anesthésiant et d’analgésiques est difficilement contrôlable, et dans les faits, incontrôlé.
C’est pourquoi, L214 publie une pétition destinée à Marc Fesneau demandant la fin du claquage des porcelets et de toute forme de castration.
Sébastien Arsac, porte-parole de L214 : « Comment cette pratique atroce peut-elle perdurer ? Si elle concernait des chatons, elle emmènerait les auteurs en prison ! Voir ces porcelets se faire fracasser le crâne contre le sol en béton est insoutenable. Le gouvernement avait rassuré les Français en 2019 en annonçant faire cesser cette pratique, pour finalement se défausser. Nous attendons alors du ministre actuel de prendre en compte les souffrances inutiles causées à ces millions de porcelets en légiférant sans délai. »
L214 lance un appel à témoignage
L214 reçoit régulièrement des témoignages d’éleveurs et de salariés d’élevage, comme celui d’Émilie, qui a travaillé un an en tant que porchère dans un élevage intensif de cochons situé dans les Pays de la Loire : « Après avoir essayé d’en tuer deux que j’ai loupés car ils ne sont pas morts sur le coup, j’ai refusé de claquer les porcelets, c’était au-dessus de mes forces. Je ne voulais pas les abattre, et encore moins dans ces conditions. C’était pourtant dans mes fonctions, je m’étais alors arrangée avec mon patron : je triais les porcelets et lui les claquait. »
Parce que cette pratique est loin d’être anodine pour nombre de salariés d’élevage et d’éleveurs, L214 lance un appel à témoignages afin de collecter des expériences : « Vous travaillez ou avez travaillé en élevage porcin, et vous avez pratiqué le claquage ? Nous vous invitons à témoigner en écrivant à [email protected]. »
Mise à mort par claquage
Les porcelets jugés trop faibles pour permettre une rentabilité économique sont tués sur place par claquage. Ils sont attrapés par les pattes arrière et leur tête est violemment frappée sur le sol bétonné. La percussion de la boîte crânienne par claquage au sol n’est pas une méthode d’abattage autorisée pour la mise à mort des animaux selon l’article 4 de l’arrêté du 12 décembre 1997. La percussion de la boîte crânienne ne peut être utilisée uniquement comme méthode d’étourdissement en cas d’urgence vitale pour un animal blessé ou atteint d’une maladie entraînant des douleurs ou souffrances intenses. Or, ces porcelets chétifs sont malgré tout en bonne santé. Quoiqu’il en soit, ils ne sont pas concernés par les dispositions de mise à mort d’urgence.
Selon l’EFSA, la probabilité d’une mise à mort immédiate et sans cruauté est faible, et recommande de ne pas utiliser le claquage : « Les traumatismes contondants ou les coups percutants portés manuellement à la tête doivent être évités », « […] Cette méthode n’est donc pas recommandée comme méthode d’abattage à la ferme ».
Interdiction de la castration à vif
La castration des porcelets mâles est réalisée pour éviter une odeur nauséabonde dégagée à la cuisson dans 5 % des cas. Elle provient d’une hormone et d’un composé organique produits par des mâles sexuellement matures.
La castration à vif est interdite depuis le 1er janvier 2022 par l’arrêté du 17 novembre 2021. Les éleveurs peuvent pratiquer la castration chirurgicale des porcelets de 7 jours ou moins mais sous anesthésie locale et sous analgésie via une injection sous-cutanée anti-inflammatoire puis une injection anesthésiante dans les testicules.
Caudectomie systématique illégale
Dans les élevages intensifs, le trouble du comportement le plus fréquemment développé par les cochons est la caudophagie, qui consiste à mordre la queue de leurs congénères. Pour lutter contre ce phénomène, plutôt que de modifier l’environnement des animaux, la plupart des exploitations pratiquent la caudectomie systématique. Or, cette section à vif de la queue des porcelets provoque des souffrances et une gêne sur le long terme.
Lorsqu’elle est routinière, cette pratique est interdite depuis la publication de l’arrêté du 16 janvier 2003 qui transpose la directive européenne du 19 novembre 1991.
L214 a obtenu la condamnation d’un élevage breton au mois d’août dernier pour caudectomie routinière.
Utilisation d’antibiotiques d’importance critique
Dans cet élevage ont été relevés 9 antibiotiques différents appartenant à 8 familles distinctes, dont de la colistine, substance classée par l’OMS en importance critique et priorité majeure pour la santé humaine dans le cadre de la surveillance de l’antibiorésistance.
En décembre 2020, suite à l’enquête de L214 dans un élevage de cochons utilisant de la colistine et fournissant la marque Herta, les supermarchés Waitrose au Royaume-Uni avaient retiré les produits de la marque à base de viande de porc : « aucune de nos chaînes d’approvisionnement n’utilise de colistine pour traiter le bétail. »