Des non-conformités manifestes niées par la préfecture
L214 a dévoilé ce mercredi 26 juillet de nouvelles images choquantes tournées dans l’abattoir de Bazas, en Gironde. L214 réaffirme sa demande de fermeture d’urgence de l’abattoir, a porté plainte contre l’établissement pour cruauté et sévices graves, et entame un recours en responsabilité contre l’État. Le communiqué de presse de la préfecture pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponse.
→ Communiqué de presse de l’enquête du 26/07/2023
« Conformité du matériel d’immobilisation en avril 2023 » : non.
La préfecture de Gironde a en effet réagi dans un communiqué de presse annonçant : « Une inspection coordonnée des trois chaînes du 28 mars au 21 avril 2023 sur le volet immobilisation des animaux a conclu à la conformité de l’établissement ». Pourtant les images tournées en avril et en mai 2023 montrent entre autres qu’aucun agneau n’est correctement immobilisé avant d’être étourdi, entraînant des souffrances supplémentaires dûes aux nombreux étourdissements ratés, parfois sous les yeux des services vétérinaires. Les bovins tentent d’échapper au pistolet à tige perforante : le box ne permet absolument pas de les immobiliser. Il n’est adapté ni aux veaux, ni aux bovins de petite taille, pas plus qu’à ceux ayant des cornes. L’absence d’immobilisation de la tête pose également des difficultés puisque les opérateurs ne parviennent généralement pas à étourdir correctement et en une seule fois les bovins. Ces défauts d’immobilisation retardent l’étourdissement en augmentant le temps dans le box ou le restrainer et augmentent le stress des animaux. Ils entraînent également des tentatives de fuite des animaux et des douleurs supplémentaires dues aux tirs ratés.
« Des extraits bien choisis » : non.
La préfecture poursuit : « Cette vidéo, résultant d’un montage isolant de leur contexte des séquences non datées et choisies pour leur caractère choquant, ne reflète pas la réalité du fonctionnement de cet abattoir régulièrement contrôlé ». L214 a remis au procureur de la République du tribunal de Bordeaux hier après-midi une vidéo de 2 h 50 (avec preuves de dates et de lieu) qui accompagne sa plainte contre l’abattoir. L’association demande l’accès sans délai aux 8 caméras de vidéosurveillance, installées par l’abattoir sur ses chaînes d’abattage, par des parlementaires accompagnés de journalistes.
« Étourdissement des porcelets conforme » : non.
« En 2023, le 3 février, un courrier d’avertissement a été notifié à l’abattoir pour une inadéquation de l’équipement pour l’abattage des porcs d’un poids inférieur à 40 kg. Le professionnel a donc décidé de refuser l’abattage de ces porcelets. Il n’abat donc plus de porcelets d’un poids inférieur à 40 kg. » Qu’ils pèsent moins de 40 kg ou plus de 40 kg, les images montrent les difficultés évidentes rencontrées par les opérateurs pour étourdir et saigner ces porcelets en respectant la réglementation. L’opérateur se trouve visiblement en difficulté lors de la saignée, on le voit se positionner sur la pointe des pieds au vu des équipements inadaptés à l’espèce abattue. Là encore, on est loin du compte.
L’abattoir mis en demeure en juin
Pour Sébastien Arsac, directeur des enquêtes de L214, « Nous apprenons dans le communiqué de la Préfecture que l’abattoir a été mis en demeure le 9 juin 2023, une telle mesure révèle très probablement que des non-conformités ont été observées mais sans les détailler. Qu’en est-il exactement ? L214 demande l’accès au rapport d’inspection qui n’a pas été rendu public à cette heure. »
« les bêtes qui sautent dans leur box et le sang, ça ne me choque pas »
Pour Nicole Coustet la présidente de la Communauté de Communes du Bazadais : « les bêtes qui sautent dans leur box et le sang, ça ne me choque pas ». Ces propos révoltants et indécents révèlent l’incapacité des responsables à prendre les mesures adaptées ainsi que leur ignorance de la réglementation en vigueur qui impose l’immobilisation des animaux avant l’« étourdissement ». Nos images ont été tournées sur des périodes suffisamment longues permettant d’établir qu’il ne s’agit aucunement de quelques manquements marginaux mais d’un abattoir complètement dysfonctionnel qu’il faut fermer d’urgence.
L214 en appelle à la justice
« C’est habituel que les préfectures défendent le statu quo en communiquant ainsi même quand des images prouvent le contraire. Il est nécessaire de rappeler que la justice les contredit régulièrement comme le soulignent les 4 condamnations des services vétérinaires en 3 mois seulement (de mai à juillet 2023). La justice pourra juger si les services vétérinaires de Gironde ont effectué des contrôles suffisants et ont veillé à ce que les non-conformités soient réglées dans les plus brefs délais. Les images sont suffisamment explicites pour que le doute ne subsiste pas. » reprend Sébastien Arsac.
L’État condamné 4 fois en 3 mois pour dysfonctionnement des services vétérinaires
En trois mois, la justice a condamné l’Etat à 4 reprises pour carence fautive en raison des dysfonctionnements des services vétérinaires de la DDPP dans leur activité de surveillance et de contrôle des abattoirs. Les Tribunaux administratifs de Montpellier concernant l’abattoir de Rodez (ovins) en mai dernier, de Rennes pour l’abattoir de Briec (coches) et de l’abattoir du Faouët (dindes) ainsi que le Tribunal de Pau concernant l’abattoir de Mauléon-Licharre (agneaux) en juillet 2023, ont tous donné raison à L214 qui avait déposé des recours en responsabilité contre l’Etat pour manquement à ses missions de contrôle des abattoirs. Le Tribunal de Rennes reconnaît même une « obligation de résultat » incombant à l’Etat afin de « remédier aux non-conformités et d’empêcher leur renouvellement ou répétition. »
→ Lien vers le communiqué de presse de l’enquête du 26/07/2023