Les associations se pourvoient en cassation
Après plus de 5 ans de procédure judiciaire, la Cour administrative d’appel de Lyon a rendu ce 17 mai 2023 son arrêt concernant le projet d’élevage intensif de poulets à Bressolles, dans l’Allier. Les juges d’appel ont décidé de ne pas suivre le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui avait suspendu en référé puis annulé l’arrêté enregistrant cet élevage. Le projet concerne 39 900 poulets en simultané soit 160 000 poulets chaque année et 12 000 dindes par an.
L214 et Bressolles Bien Vivre envisagent déjà de saisir la cour de cassation pour contester cette décision.
Rappel des faits
Fin 2017, un permis de construire a été accordé par le maire de Bressolles à son fils afin que ce dernier puisse installer un élevage intensif de poulets sur la commune. Malgré une forte opposition, le projet a été autorisé par la préfète de l’Allier.
En mars 2018, compte tenu des conditions de vie effroyables qu’implique ce type d’élevage pour les animaux, des atteintes à l’environnement, des nombreuses nuisances à l’égard des riverains ainsi que de la fermeture au dialogue de la préfecture et du maire de Bressolles, l’association locale Bressolles Bien Vivre, L214 et FNE 03 (France Nature Environnement Allier) ont décidé de saisir le tribunal administratif de Clermont-Ferrand afin de contester la légalité de l’enregistrement du dossier.
Le 18 décembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a donné raison aux associations en décidant de suspendre, en urgence, le projet d’exploitation. Et le 21 décembre 2020, le tribunal administratif a décidé d’annuler l’arrêté préfectoral autorisant la construction de cette exploitation.
→ Lire notre communiqué de presse du 21 décembre 2020
Procédure en cour d’Appel
L’éleveur a fait appel.
Après deux années d’instruction, le rapporteur public avait rendu ses premières conclusions, défavorables à l’annulation du projet du poulailler.
L’audience a eu lieu le 2 mai dernier, à Lyon. Le rapporteur public avait conclu à la légalité du projet d’exploitation. Les associations avaient déploré l’analyse retenue alors que le juge des référés puis le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand avaient à l’inverse relevé les irrégularités du projet justifiant sa suspension puis son annulation. Les raisons avancées portaient sur les capacités techniques et financières insuffisantes de l’exploitant et sur les risques identifiés pour l’environnement, spécifiquement dans une zone Natura 2000.
Les trois associations avaient fait valoir leurs observations lors de l’audience par l’intermédiaire de leur avocat, Maître Ménard.
Malgré tout, la Cour administrative d’appel ne les a pas entendues et a donné une issue favorable au projet d’exploitation.
Pour Isabelle Fernandez, porte-parole de l’association L214 : « Malgré la forte mobilisation, les impacts sur les animaux, sur l’environnement, la santé, il est invraisemblable aujourd’hui que la justice favorise encore l’élevage intensif. Nous ne baissons pas les bras. Nous allons aller jusqu’au bout de la procédure et saisir le conseil d’État.
Nous devons rester mobilisés contre ces projets dévastateurs et sortir urgemment de ce modèle d’élevage dont plus personne ne veut. 85 % des français sont défavorables à l’élevage intensif.
C’est pourquoi L214 a mis à la disposition des citoyens un site Internet avec de nombreux outils pour se mobiliser contre les projets d’élevages intensifs et montrer qu’il est possible d’agir ! »
Pour Maître Ménard : « La cour administrative d’appel adopte un raisonnement totalement opposé à celui du tribunal administratif qui avait retenu trois arguments particulièrement solides pour suspendre puis annuler l’arrêté préfectoral. La cour est évidemment dans son droit, c’est le principe même de l’appel mais ces divergences d’analyse impliquent de réfléchir à un pourvoi en cassation. »
Pour Michel Gosselin, président de Bressolles Bien Vivre : « À travers ce jugement défavorable que nous dénonçons, nous constatons que l’humain, la santé, la nature passent après l’industrialisation agricole. »
Pour FNE Allier : « Nous sommes stupéfaits d’un tel revirement entre le jugement de 1ère instance et la décision de la Cour Administrative d’Appel. Au vu des enjeux environnementaux actuels, il est incompréhensible que les irrégularités dans la procédure et les impacts environnementaux n’aient pas été retenus par la juridiction. Non seulement, ce type d’élevage ne devrait plus être accepté au vu des conditions de vie des animaux mais de plus, les préjudices causés à la nature et à la santé ne devraient pas être occultés, bien au contraire. »
Encore plus de nuisances pour les riverains
Si le projet initial voit le jour, les riverains seront d’autant plus confrontés aux nuisances.
En attendant les décisions de justice, l’exploitant avait tout de même mis en fonctionnement une exploitation de dindes et de poulets grâce à une procédure simplifiée (régime de la déclaration). Cette dernière lui permet d’exploiter un élevage de dindes et de poulets pouvant compter jusqu’à 30 000 poulets en simultané (au lieu des 39 900 du projet de départ) ou 13 500 dindes, sans aucun accès à l’extérieur. Cette démarche permet d’esquiver la consultation du public ou l’enquête publique ainsi qu’une étude d’impact sur l’environnement.
« Les odeurs sont insupportables », « Le quotidien, c’est beaucoup de stress. On ne sait pas où on va, on ne sait pas comment on va vivre. », « Nos maisons sont dévalorisées »… Les nuisances subies par les riverains sont nombreuses.
De multiples plaintes ont été soumises au procureur de la République. Le maire a été alerté et ne nie pas les nuisances imposées par l’élevage aux habitants du village. Des mesures ont été proposées et mises en place telles que des bacs à eau retenant les odeurs. Mais ces derniers n’ont pas été efficaces.
Les riverains souhaitent des engagements et des solutions de la part de la municipalité.