Les contrôles de l’État jugés « insuffisants pour prévenir le risque de maltraitance animale » à l’abattoir de Rodez
Le tribunal administratif de Montpellier, saisi en 2020 par L214 suite aux images de maltraitance filmées à l’abattoir de Rodez, a jugé que les services de l’État étaient défaillants dans leur mission de contrôle, de sanction et de suivi en matière de protection animale : « l’absence de mesures correctives suffisantes » a contribué à « l’absence de respect de la réglementation ». Les contrôles de l’État ont été « insuffisants pour prévenir le risque de maltraitance animale alors même qu’à raison des non-conformités majeures relevées en 2016 une vigilance et un suivi particuliers s’imposaient. »
L’État peut faire appel de cette décision.
→ Lire le délibéré du tribunal administratif de Montpellier
Le déclencheur : les images de l’abattage d’agneaux issus de la filière roquefort et autres ovins en 2020
En juin 2020, L214 diffusait des images de la chaîne d’abattage des ovins à l’abattoir de Rodez du groupe Arcadie. Ces images montraient :
- des manipulations violentes et des actes de violences, notamment des ovins tirés par la queue, les oreilles ou les pattes alors qu’ils n’étaient pas étourdis ;
- l’absence d’immobilisation des ovins qui sautaient à l’extérieur du restrainer ou au-dessus des congénères ;
- l’absence d’immobilisation pendant toute la durée de l’abattage rituel ;
- l’absence d’étourdissement systématique lors de l’abattage traditionnel ;
- l’absence de vérification de l’inconscience de l’animal ;
- l’absence d’étourdissement de secours ;
- des mauvais gestes de saignée.
L’enquête publiée par L214 montrait par ailleurs l’élevage des agneaux écartés de la production de roquefort (les mâles et des femelles en surnombre). L’élevage et les vétérinaires de l’élevage ont été condamnés en correctionnelle en septembre 2022.
Abattage suspendu par le ministre
À la suite de la diffusion de cette enquête, le ministre de l’Agriculture avait suspendu temporairement l’agrément de cette chaîne d’abattage et avait ordonné une inspection. L214 avait porté plainte contre l’abattoir pour sévices graves et contre les services de l’État pour ses manquements dans ses missions de surveillance et de contrôle en matière de protection animale.
Le procès de l’abattoir en correctionnelle, initialement prévu le 1er février dernier, a été renvoyé au 20 septembre 2023.
Des manquements avérés depuis 2016
Dans son délibéré, le tribunal administratif relève que les manquements relevés par L214 sont avérés, confirmés par la Brigade nationale d’enquête vétérinaire et phytosanitaire (BNEVP) et non contestés par la préfecture. Pire, il note que ces manquements étaient identifiés dans les rapports d’inspection de 2016 et 2019 et lors de contrôles réguliers mais qu’aucune action corrective n’a été exigée.
Une décision remarquable
Cette décision est la première engageant la responsabilité de l’État pour manquement dans le contrôle et la sanction des règles de protection animale. Elle a donc une portée particulière et devrait amener les services vétérinaires à accorder plus d’importance au respect de ces règles jusque-là trop souvent négligées.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « La mise à mort des animaux dans les abattoirs est une opération des plus violentes : les infractions à la réglementation augmentent les souffrances des animaux.
Les services de l’État – services vétérinaires – sont présents en permanence dans les abattoirs : une de leurs missions consiste à faire respecter la réglementation qui pose des limites à ce qu’endurent les animaux. Nos enquêtes montrent que ces services sont fréquemment totalement défaillants. Ici à Rodez, les non-conformités majeures perduraient depuis 2016. Nous nous félicitons que le tribunal administratif condamne enfin l’État.
Si la condamnation reste symbolique – 4 500 € en tout —, elle aide à valider l’alerte lancée par L214 sur les défaillances des services vétérinaires. Nous demandons au ministère de l’Agriculture de prendre ses responsabilités à ce sujet. »