Le 25/08/2022
Des vétérinaires choqués
L214 demande la fermeture de l’élevage
Les nouvelles images que dévoile L214 aujourd’hui ont été tournées* sur la commune de Domalain en Ille-et-Vilaine dans un élevage de lapins particulièrement symbolique. Il s’agit de la SCEA du Moulin, l’élevage de Frédéric Blot, président de la Fédération nationale des groupements de producteurs de lapins (Fenalap)**. Frédéric Blot est également président du groupement Elvilap qui commercialise 2,6 millions de lapins par an, soit 10 % de la production française. Il est aussi président de la section lapin de la branche bretonne de la FNSEA.
Les images montrent :
- des lapins gravement blessés aux pattes, aux oreilles, aux yeux ;
- des blessures infectées qui ne sont pas soignées ;
- des lapereaux tout juste nés, mutilés par leur mère stressée, agonisant sur le sol grillagé des cages ;
- des lapins morts qui se décomposent dans les cages ;
- des nouveau-nés et des lapereaux morts qui se décomposent dans les fosses d’excréments sous les cages ;
- une hygiène générale déplorable ;
- un congélateur rempli à ras bord de cadavres de lapins de tous âges ;
- des lapins ramassés sans ménagement au moment de leur transport à l’abattoir. Il arrive que le dirigeant de l’élevage jette des lapins dans les chariots de ramassage. Les lapins y sont entassés les uns sur les autres sur plusieurs couches ;
- des médicaments périmés depuis plus de 3 ans.
Ces éléments viennent aggraver une situation déjà terrible pour les lapins élevés de façon intensive. Les animaux n’ont jamais accès à l’extérieur et sont élevés dans des bâtiments fermés sans fenêtres. L’élevage exploite 1 500 lapines reproductrices (sur deux sites d’élevage). Isolées dans des cages, elles sont inséminées artificiellement tous les 42 jours. Au total, elles donnent naissance à plus de 130 000 lapereaux chaque année. Les lapereaux sont engraissés en cage (moins d’une feuille A4 par lapin) ou en parc (16 lapins par m2 c’est-à-dire à peine plus qu’une feuille A4 par lapin).
Ressources libres de droits
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Un document de l’élevage indique que pour un cycle de naissance, sur 7 688 lapereaux nés vivants, 1 050 ont été éliminés, soit un taux de 14 % de lapereaux tués à la naissance.
En plus des nombreux produits médicamenteux présents dans l’exploitation, l’aliment livré à l’élevage contient lui-même des antibiotiques. Sur un bon de livraison de 6 tonnes d’aliment, celui-ci est complémenté avec 1,5 % d’antibiotiques, ici de l’oxytétracycline 40, antibiotique classé « hautement important » pour la santé humaine par l’OMS.
Avis vétérinaires concernant cet élevage
Nous avons montré ces images à 3 vétérinaires. Leur constat sur la situation de cet élevage est sans appel :
Pour Hélène Gateau, vétérinaire et journaliste, « ce qui choque en premier lieu, bien sûr, c’est les conditions d’hygiène dans lesquelles vivent ces animaux, des conditions d’hygiène déplorables. Et puis, bien sûr, des conditions aussi de vie imposées à ces animaux […] on est vraiment loin de la moindre notion de bien-être animal. »
Le constat est le même pour sa consœur Sophie Dol : « On n’est pas du tout dans le bien-être animal. En fait, tout ce qui ressort de ça pour moi, c’est la souffrance physique et psychologique intense. »
Pour Gilles Pernoud, docteur vétérinaire également : « On voit les pattes qui dépassent partout des grillages. Celle-là, elle est probablement coincée. Après, tout de suite, la patte se met à gonfler, [le lapin] ne peut plus la sortir, le seul moyen de s’en sortir serait de s’automutiler. […] Tout est horrible, ça m’énerve trop. »
Des lapins vendus sous la marque Le Gaulois
Une partie des lapins issus de cet élevage sont commercialisés sous la marque Le Gaulois du groupe LDC et sous l’appellation « Lapins LDC Nature d’éleveurs » (voir un document de l’élevage), « démarche d’élevage durable du Groupe LDC ». Le dirigeant de cet élevage, Frédéric Blot, se trouve d’ailleurs en photo sur l’étiquette des barquettes de viande de lapin (cliquer sur l’image pour l’agrandir). |
Le groupement Elvilap commercialise les lapins aux abattoirs SNV (groupe LDC) ainsi qu’aux abattoirs Bretagne Lapin et au leader du marché Loeul et Piriot.
Plaintes et sortie de l’élevage intensif
L214 porte plainte auprès du procureur de Rennes pour le délit de mauvais traitements (défaut de soins des lapins malades ou blessés, installations inadaptées causant des souffrances, manipulations violentes) et pour le délit d’abandon (animaux laissés agonisants) contre la SCEA du Moulin, contre Frédéric Blot, son dirigeant et contre la vétérinaire sanitaire de l’élevage.
Au vu de l’état sanitaire et de la conduite d’élevage déplorable de cette exploitation, L214 demande sa fermeture d’urgence. De plus, l’élevage est en cours d’agrandissement : L214 demande à la préfecture de s’opposer à ce projet.
Par ailleurs, L214 lance une pétition pour demander un moratoire sur les nouvelles installations d’élevages intensifs et la fin, sous 10 ans, des élevages privant les animaux d’accès au plein air, en accompagnant les éleveurs par un plan de reconversion.
Pour Sébastien Arsac, cofondateur de L214 : « On nous reproche souvent – à tort – de montrer des élevages singuliers qui seraient les “moutons noirs” d’une filière. Ces nouvelles images ont été tournées dans l’élevage du responsable n° 1 de la filière cunicole française. Les images ont choqué tous les vétérinaires à qui nous les avons montrées. Cette nouvelle enquête vient illustrer la récente tribune signée par plusieurs chercheurs et chercheuses de l’INRAE et du CNRS qui se conclut par cette phrase : “non, améliorer le bien-être des animaux dans les systèmes intensifs n’est pas possible.” Si on prend au sérieux la sensibilité des animaux, alors il est impératif de sortir au plus vite de l’élevage intensif. »
* Les images ont été tournées pendant la 2e quinzaine de mai 2022.
** La Fenalap regroupe 14 groupements de producteurs, représentant plus de 90 % de la production de lapins en France.
Les lapins d’élevage, des lapins comme les autres
Les lapins sont considérés à la fois comme des animaux de compagnie, du matériel de laboratoire ou des animaux de consommation. En fonction, la différence de traitement est grande alors que leurs besoins fondamentaux sont les mêmes. Ce sont des animaux sociaux qui vivent en petits groupes, qui aiment jouer, courir, bondir.
Quand ils sont en liberté, ils creusent des terriers pour s’y cacher et élever leurs petits. Ils ont aussi besoin de matériaux à ronger pour limer leurs dents et d’une alimentation essentiellement fibreuse.
En cage ou sur des caillebotis en plastique en élevage, leur qualité de vie est réduite à néant. Les lapines reproductrices sont isolées et inséminées artificiellement. Elles donnent naissance à des petits à la chaîne : plus de 8 fois par an contre 2 à5 portées dans la nature. Les lapereaux sont engraissés dans des espaces exigus et envoyés à l’abattoir à 2 mois et demi.
→ Lire notre dossier Vie de lapin
Pas de réglementation spécifique
Contrairement à d’autres espèces comme les poulets, les cochons ou les veaux, aucune réglementation spécifique n’encadre l’élevage de lapins. Ainsi, aucune norme ne vient encadrer la taille des cages, la nature des équipements ou l’enrichissement du milieu des lapins. C’est la directive européenne généraliste du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages qui s’applique aux élevages de lapins. Elle stipule notamment que :
« Les animaux sont soignés par un personnel suffisamment nombreux possédant les aptitudes, les connaissances et les capacités professionnelles appropriées ».
« Tout animal qui paraît malade ou blessé doit être convenablement soigné sans délai et, au cas où un animal ne réagirait pas aux soins, un vétérinaire doit être consulté dès que possible. Si nécessaire, les animaux malades ou blessés sont isolés dans un local approprié garni, le cas échéant, de litière sèche et confortable ».
« La liberté de mouvement propre à l’animal, compte tenu de son espèce et conformément à l’expérience acquise et aux connaissances scientifiques, ne doit pas être entravée de telle manière que cela lui cause des souffrances ou des dommages inutiles ».
27,5 millions de lapins abattus chaque année
La France est le 6e plus gros pays producteur mondial de lapins élevés pour leur viande. Elle est précédée par la Chine, la Corée du Nord, l’Égypte, l’Espagne et l’Italie.
Plus de 35 millions de lapins naissent dans les élevages français chaque année. 22 % meurent en élevage, avant même d’atteindre l’âge d’abattage. Au final, 27,5 millions de lapins sont tués dans les abattoirs pour finir dans nos assiettes.
→ Lire notre dossier Vie de lapin
LDC déjà dans le viseur de l’association L214 pour ses pratiques cruelles envers les poulets
Depuis 2018, L214 dénonce les conditions de vie déplorables des poulets élevés pour LDC. Plusieurs enquêtes ont été diffusées afin de révéler les conditions d’élevage des poulets élevés pour les marques Le Gaulois (2021, 2022) et Maîtres CoQ (2018, 2021). L214 demande au groupe LDC, n° 1 français du poulet, de s’engager à respecter les critères du European Chicken Commitment (ECC) et à privilégier le plein air.
En réponse à cette demande, LDC invoque sa démarche « Nature d’Éleveurs », qui est pourtant très insuffisante.
Poulets sélectionnés génétiquement pour grossir extrêmement vite et souffrant de ce fait de problèmes cardiaques, respiratoires et de boiteries, entassés jusqu’à 20 ou 22 par m2 dans des bâtiments sans accès à l’extérieur : cette démarche fait l’impasse sur des critères essentiels de l’ECC pour les animaux.
À ce jour, le groupe LDC, qui représente à lui seul 40 % du marché national de la volaille, refuse toujours de prendre ses responsabilités et de s’engager fermement contre le pire de l’élevage intensif, comme l’ont déjà fait plus d’une centaine d’entreprises en France.
→ Voir le site d’information dédié à LDC
→ Voir les critères du European Chicken Commitment
→ Voir la liste des entreprises déjà engagées pour les poulets