Nouvelle enquête : des dindons enfoncés à coups de pied dans des cages

Le 28/06/2022

L214 dénonce le laxisme des autorités

Commentées par le musicien Petit Biscuit, les images* révélées aujourd’hui par L214 proviennent de l’élevage intensif de dindes et dindons EARL Trochu à Sainte-Anne-sur-Brivet (Loire-Atlantique) et de l’abattoir CADF-Ronsard au Faouët (Morbihan).
L’enquête montre la violence du ramassage des dindons, tassés à coups de pied dans des cages beaucoup trop petites et non conformes, ainsi que le transport des dindes dans ces cages jusqu’à l’abattoir.

Ces animaux sont élevés dans des conditions sordides : enfermés dans un bâtiment clos sans lumière naturelle ni accès à l’extérieur, certains sont déplumés et souffrent d’infections aux pattes (pododermatites), d’autres agonisent, tous ont été ébecqués (amputation du bec). À l’issue de cette période d’élevage, ils sont violemment manipulés puis transportés jusqu’à l’abattoir.

La souffrance des dindes et dindons est décuplée par l’usage de cages de transport inadaptées : elles ne sont pas proportionnées à la taille des animaux. C’est pourquoi les opérateurs enfoncent de force les dindons, allant jusqu’à les tasser au pied. Ils finissent comprimés sans pouvoir replacer leurs ailes ou leurs pattes dans une position naturelle, et sans pouvoir se retourner.


Vidéo de l'enquête sur le ramassage et le transport des dindes et dindons

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Cages non conformes sources de souffrance pour les animaux : L214 dénonce l’inertie de l’État et de l’Europe

Pour être transportés en bétaillère depuis l’élevage EARL Trochu jusqu’à l’abattoir CADF-Ronsard, les dindes et dindons sont ramassés manuellement puis chargés dans des cages empilées les unes sur les autres.

Ces cages s’avèrent non conformes à la réglementation européenne (CE n° 1/2005) : « un espace suffisant est prévu à l’intérieur du compartiment […] afin de garantir une ventilation adéquate au-dessus de la tête des animaux lorsqu’ils sont debout dans leur position naturelle, sans qu’en aucun cas leurs mouvements naturels puissent être entravés ». Cette infraction à la réglementation perdure en l’absence de volonté de faire appliquer la législation par les différents maillons du système d’élevage intensif : élevages, sociétés de ramassage, entreprises de transport, services vétérinaires de l’État et abattoirs… jusqu’aux institutions européennes pourtant chargées de veiller à l’application des lois de l’UE.

L214 a montré ses images à Marietheres Reinke, vétérinaire et cofondatrice de Expertise for Animals, son constat est sans appel : « Les images montrent un stress psychologique et physique considérable pour les animaux. […] Leur manipulation brutale pose un problème majeur pour leur bien-être et provoque des souffrances inutiles. […] D’un point de vue vétérinaire et pour respecter le bien-être animal, la pratique de chargement ainsi que la conception des cages doivent être fondamentalement remises en question pour éviter les abus actuels que subissent les dindes et les dindons. […] Cette pratique doit être arrêtée. »

→ L’avis vétérinaire complet

L214 avait déjà constaté cette infraction l’été dernier devant ce même abattoir, ainsi qu’à plusieurs reprises devant l’abattoir de Blancafort (Cher). Après avoir déposé une plainte pour manquement au droit de l’UE auprès de la Commission européenne, une plainte contre l’abattoir CADF-Ronsard sur la non-conformité des cages et sur les opérations d’abattage, et un recours en responsabilité contre l’État pour manquement à sa mission de contrôle, L214 attendait une mise en conformité effective des conditions de transport des volailles en France.

Cependant, les infractions n’ont toujours pas été corrigées.

Au vu de ce nouveau constat, L214 dénonce aujourd’hui l’inertie des services de l’État et de la Commission européenne face à ces violations routinières de la réglementation. L’association porte plainte contre l’élevage, complète sa plainte (déposée en 2021 auprès du tribunal judiciaire de Lorient) contre l’abattoir et dépose une nouvelle plainte auprès de la Commission européenne.

Pour Olivier Morice, porte-parole de L214 : « Encore un exemple manifeste du mépris des autorités pour les animaux et envers l’application des lois les plus élémentaires pour éviter des souffrances supplémentaires aux animaux ! Les conséquences sur les dindes et les dindons sont incontestables, et inacceptables. Notre rôle serait-il de jouer à la police avec les autorités qui, chaque jour et en toute impunité, passent outre le règlement européen ? Aujourd’hui, nous comptons sur les citoyens pour interpeller l’ensemble des instances décisionnaires, dont le nouveau ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, afin de mettre un terme à cette infraction préjudiciable pour les oiseaux d’élevage. »

Le musicien Petit Biscuit appelle à agir en faveur des animaux : « Vous serez d’accord avec moi, ces méthodes de transport sont choquantes et intolérables. Signez la pétition sur L214.com. Laissons ces animaux en dehors de nos assiettes. »

Trois eurodéputés soutiennent L214

Les eurodéputés Caroline Roose, Younous Omarjee et Claude Gruffat appuient la demande de rendez-vous de L214 avec la Commission européenne. L’objectif de l’échange est de rappeler les conséquences de ces infractions sur les animaux, et de parvenir à mettre en place un plan d’action pour que la France mette fin à l’usage de ces cages, comme ce fut le cas en 2013 pour le transport des chevreaux dans des cages à dindes.

Pour rappel, en février dernier, les eurodéputés Manuel Bompard, Claude Gruffat et Caroline Roose avaient été reçus par la Direction générale de l’alimentation (DGAL) au ministère de l’Agriculture à ce sujet.

* Images tournées en mars 2022.


Élevage de dindes et de dindons : pas de réglementation spécifique

En France, 48 millions de dindes sont tuées chaque année, 97 % d’entre elles sont élevées en élevage intensif : pas d’accès à l’extérieur, aucune lumière naturelle, pas d’aménagement… Sans réglementation spécifique, l’élevage de dindes et de dindons en France est encadré uniquement par la réglementation générale applicable à l’ensemble des animaux d’élevage : il n’y a donc pas de règles précises à respecter sur les densités en élevage ni sur les aménagements à installer.

Consciente des grandes souffrances induites par ce type d’élevage, la Wallonie en Belgique a adopté récemment une réglementation pour protéger les dindes et les dindons.
Aux termes des exigences adoptées figurent notamment : accès obligatoire à un jardin d’hiver ou à un parcours extérieur, interdiction de caillebotis, interdiction de l’épointage des becs, densité de maximum 30 kg/m² pour les femelles et 36 kg/m² pour les mâles, perchoirs et matériaux d’enrichissement obligatoires (bain de poussière, bloc à picorer pour volailles, branche d’arbre, petit ballot suspendu contenant de la paille, etc.)…

Grippe aviaire et élevage intensif

En France, l’élevage intensif domine largement la production : plus de 8 animaux abattus sur 10 sont issus de ce type d’élevage. Les élevages intensifs sont de véritables antennes-relais de diffusion du virus : il s’introduit dans les bâtiments d’élevage par les ventilations ; la promiscuité et le nombre d’animaux y sont propices à sa démultiplication ; la charge virale augmente donc, et est ventilée à l’extérieur des bâtiments. Dans les zones très denses en élevages, les foyers peuvent ainsi s’étendre de proche en proche.

Depuis le début de l’épidémie de grippe aviaire, près de 20 millions d’oiseaux d’élevage ont été tués par asphyxie. L’ampleur de la catastrophe est telle que l’État a été débordé par le volume des cadavres comme le rapporte cet article paru récemment dans le quotidien Ouest-France : « Ils [les services vétérinaires] nous ont dit que c’était la moins mauvaise solution, qu’ils n’ont pas eu le choix, qu’ils étaient complètement débordés. On peut comprendre, mais on ne pourra pas supporter cela à nouveau, si le virus devait revenir, à l’automne. Et il risque de revenir… »

→ Revoir l’enquête de L214 sur l’enfouissement des oiseaux (avril 2022)

→ Lire le communiqué de presse de l’enquête (27/04/2022)