Le 24/02/2022
Présidentielle : le chef étoilé Alexis Gauthier appelle les candidats à s’engager à sortir de l’élevage intensif
L214 dévoile ce jeudi 24 février une nouvelle enquête filmée dans le Gers1, en pleine zone IGP canard à foie gras du Sud-Ouest. Les images, commentées par le chef étoilé Alexis Gauthier, montrent que les cages utilisées dans la production intensive du foie gras sont en violation flagrante avec la réglementation.
L’enquête révèle qu’avant d’être entassés dans la salle de gavage, les canards ont été déplacés à plusieurs reprises entre différentes régions, une organisation typique de la filière industrielle du foie gras, propice à la propagation de la grippe aviaire.
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Une filière industrielle propice à la diffusion de la grippe aviaire
L’enquête montre, entre autres, des images d’une salle de gavage d’une exploitation agricole située sur la commune de L’Isle-Bouzon (Gers) où sont gavés 1 900 canards, enfermés dans des cages collectives métalliques. Comme on peut le voir sur un document de traçabilité, les canards sont nés dans le couvoir Canibride, situé dans les Deux-Sèvres. Ils ont ensuite été transportés et élevés dans une exploitation située dans le Lot-et-Garonne, puis transportés dans le Gers pour la phase de gavage, avant d’être rechargés dans des camions pour l’abattoir Delpeyrat de Vic-Fezensac. Le foie gras est vendu par la maison Samaran à Toulouse.
Cette spécialisation de chacun des maillons de la filière entraîne plusieurs étapes de chargement, transport et déchargement des canards sur des zones géographiques éloignées, ce qui est propice à la diffusion de la grippe aviaire et au risque de développement de zoonoses.
Pour la Confédération paysanne et le Modef : « Il est indispensable de baisser les densités extrêmes de certains territoires en volailles mais aussi de plafonner le nombre d’animaux par élevage. En effet, il est évident que les gros élevages claustrés expulsent des charges virales dans leur environnement et contaminent les élevages proches. Enfin, il faut mettre fin au fonctionnement segmenté des filières volailles qui disséminent les virus par le transport d’animaux vivants, de produits ou des flux soutenus d’intervenants. La quasi-totalité des élevages foyers sont des élevages claustrés, en filière longue. L’industrialisation des filières volailles nous mène dans le mur. »
Au-delà de la concentration des animaux qui fait de ces élevages de véritables bombes sanitaires, le dysfonctionnement du foie des oiseaux gavés et suralimentés, propre à la production du foie gras, entraîne une défaillance du système immunitaire des animaux, également propice au développement des virus.
Violations systématiques de la réglementation
Dans la salle de gavage, les canards sont enfermés dans des cages, serrés les uns contre les autres. Comme le montrent les images tournées sous les cages, le sol grillagé entraîne des lésions systématiques sous les pattes des canards : des blessures qui dégénèrent en infection et provoquent des œdèmes inflammatoires. La réglementation est pourtant sans appel sur ce point : « Les matériaux à utiliser pour la construction des locaux de stabulation, et notamment pour les sols […] et les équipements avec lesquels les animaux peuvent entrer en contact, ne doivent pas nuire aux animaux2 ».
Par ailleurs, les densités à l’intérieur des cages ne permettent pas aux animaux d’étendre leurs ailes, ce qui est aussi une exigence de la réglementation.
Les images montrent également les conditions générales de transport des canards depuis les salles de gavage vers l’abattoir, transport ici effectué par la société Avilog (groupe Mousset). Les caisses, trop basses, ne sont pas conformes aux dispositions de la réglementation, qui exige que les animaux puissent se tenir « debout dans leur position naturelle, sans qu’en aucun cas leurs mouvements naturels puissent être entravés3 ». De plus, dans les caisses de transport empilées, rien n’est fait pour éviter que l’urine et les fèces des canards s’écoulent sur ceux qui sont placés aux niveaux inférieurs, comme l’impose la réglementation4.
L214 porte plainte pour maltraitance auprès du tribunal judiciaire d’Auch contre l’élevage où ont été tournées les images et contre la société de transport Avilog.
Alexis Gauthier, chef étoilé, a renoncé au foie gras
Alexis Gauthier, chef français étoilé et propriétaire de deux restaurants à Londres, commente ces images. Il y a quelques années, il lui arrivait de cuisiner jusqu’à 30 kg de foie gras par semaine dans son restaurant. Les conditions d’élevage des animaux pour la production de foie gras ont été déterminantes dans sa décision de ne plus cuisiner viande ni poisson dans ses restaurants.
Alexis Gauthier : « En 2012, la Déclaration de Cambridge sur la conscience animale m’a vraiment ouvert les yeux. Les plus éminents scientifiques en neurosciences se sont mis d’accord pour déclarer que les mammifères, les oiseaux, et bon nombre d’animaux marins avaient une conscience. Il faut qu’au niveau politique, la question de nos relations avec les animaux soit au cœur des débats, avec une priorité absolue : la sortie de l’élevage intensif et le développement de l’alimentation végétale. C’est le moment d’interpeller les candidats à la présidentielle. »
Pour Sébastien Arsac, cofondateur de l’association L214 : « Que le foie gras soit considéré comme une tradition ne doit pas nous empêcher de voir toute la souffrance des animaux liée à sa production. Cette souffrance n’est pas seulement le fait du gavage, mais aussi de l’enfermement en cage, des manipulations et de toutes les étapes de transport. Plusieurs pays très impliqués dans cette production, comme Israël ou la Pologne, ont eu le courage de la ranger au musée des horreurs. En France aussi, considérons les autres animaux pour ce qu’ils sont : des individus sensibles et doués de conscience et non des ressources à notre disposition. »
Une série d’enquêtes avant le Salon international de l’agriculture
Ce samedi 26 février s’ouvre le Salon international de l’agriculture, où sera présentée une image idyllique et fantasmée de l’agriculture française. En contrepoint, et pour montrer la réalité concrète de ce que vivent les animaux, L214 diffuse du 22 au 26 février 2022 une série d’enquêtes représentatives de l’élevage en France, où 80 % des animaux abattus proviennent de systèmes intensifs.
Ce triste constat est très éloigné des attentes des Français, qui sont 85 % à être favorables à l’interdiction de l’élevage intensif (dont ruraux, 86 % ; Paris, 81 % ; gauche, 88 % ; majorité présidentielle, 85 % ; droite, 82 % ; droite radicale et RN, 89 %) sondage Ifop pour la Fondation 30 Millions d’Amis de 2022.
1. Les images ont été tournées en novembre et décembre 2021. Les images des canards en cages et de gavage ont été filmées dans l’une des deux salles de gavage d’une exploitation agricole de la commune de L’Isle-Bouzon.
2. Arrêté du 25 octobre 1982 relatif à l’élevage, à la garde et à la détention des animaux, annexe I, Chapitre 1er, 1.a. « Les matériaux à utiliser pour la construction des locaux de stabulation, et notamment pour les sols, murs, parois et les équipements avec lesquels les animaux peuvent entrer en contact, ne doivent pas nuire aux animaux et doivent pouvoir être nettoyés et désinfectés de manière approfondie. »
3. Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport, annexe I, Chapitre II, 1.2. : « Un espace suffisant est prévu à l’intérieur du compartiment destiné aux animaux et à chacun des niveaux de ce compartiment afin de garantir une ventilation adéquate au-dessus de la tête des animaux lorsqu’ils sont debout dans leur position naturelle, sans qu’en aucun cas leurs mouvements naturels puissent être entravés. »
4. Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport, annexe I, chapitre III, 1.7. a) : « Lorsque les conteneurs dans lesquels se trouvent des animaux sont superposés dans le moyen de transport, les mesures nécessaires doivent être prises: pour éviter ou, dans le cas des volailles, des lapins et des animaux à fourrure, limiter les écoulements d’urine ou de fèces sur les animaux placés aux niveaux inférieurs ».
La production de foie gras en France
En 2020, en France, 313 000 oies et 26,9 millions de canards ont été gavés, 14,5 millions de canetons femelles ont été éliminés à la naissance (seuls les canards mâles sont gavés). La France est le premier producteur mondial de foie gras (69 % de la production mondiale en 2019) et l’UE représente 95 % de la production mondiale.
→ Sources dans notre dossier « Canards à foie gras »
L’horreur du gavage pour les canards
Interdite dans de nombreux pays du monde pour cause de cruauté envers les animaux, l’étape du gavage est obligatoire en France pour produire du foie gras (ce qui n’est pas le cas dans la définition européenne).
Après chaque gavage, les oiseaux sont pris de diarrhées et de halètements (hyperventilation). Le fonctionnement du foie est perturbé et les animaux ont du mal à réguler la température de leur corps.
Les oiseaux développent une maladie du foie appelée stéatose hépatique. Leur foie hypertrophié atteint presque 10 fois son volume normal, entraînant des problèmes pulmonaires et locomoteurs. Cette croissance anormalement rapide provoque en période de gavage une mortalité de 7 à 20 fois plus élevée que chez les oiseaux non gavés.