Le 07/04/2021
Souffrance animale et aberration économique : L214 appelle à signer la pétition adressée au préfet
La nouvelle enquête révélée ce jour par L214 montre les conditions de vie de plus de 22 000 poulets dans un élevage intensif à Pihem dans le Pas-de-Calais. Les images ont été tournées en mars 2021.
L’exploitant a fait une demande d’extension afin de multiplier par 5 la taille de son élevage pour passer de 150 000 à plus de 800 000 poulets « produits » chaque année. Un projet démesuré, un calvaire pour les animaux, et une aberration économique :
- Entassés à 21 par m2 sans jamais sortir, les poulets sont envoyés à l’abattoir entre 35 et 41 jours. Durant leur courte vie, leur alimentation est composée de maïs et de soja OGM et complétée par des antibiotiques (alimentation avant 14 jours, après 14 jours).
La sélection génétique, couplée à une alimentation destinée à les faire grossir très vite, entraîne de grandes souffrances pour les animaux.
À 15 jours, les images montrent des têtes de poussins sur des corps de poulets. À 30 jours, beaucoup d’entre eux sont fortement boiteux. La litière sale leur brûle la peau et les pattes (pododermatites) et entraîne des problèmes respiratoires. Peinant à se tenir sur leurs pattes, certains ne peuvent même plus atteindre les mangeoires et les abreuvoirs. Ils mourront de faim et de soif. - Pour ce projet, l’éleveur doit emprunter près de 1,4 M€ sur 12 ans (DDAE, p. 35). Il devra rembourser 10 500 € par mois, tout ça pour espérer se verser un salaire dérisoire de 9 600 € par an, soit 800 € par mois (DDAE annexe 9, p. 28). En 2019, la société était déficitaire, l’exploitant n’a rien gagné, même pas son salaire. Aujourd’hui, la trésorerie est faible : 10 000 € (DDAE annexe 9, p. 9), juste assez pour assurer le fonds de roulement.
Les conséquences de cette extension seraient catastrophiques à plusieurs niveaux (cf. ci-dessous). Nous appelons la préfecture à ne pas autoriser cet agrandissement via une pétition portée par plusieurs associations (Aives, Flandres au nom de la terre, PHEA et L214).
→ Voir et télécharger des images brutes (libres de droits)
→ Voir et télécharger des photos (libres de droits)
→ Voir la pétition adressée au préfet
→ Lire notre dossier sur l’élevage de masse des poulets de chair
L’exploitant souhaite aujourd’hui agrandir son élevage avec la création de deux bâtiments supplémentaires permettant d’accueillir plus de 50 000 poulets chacun. Avec plusieurs cycles d’élevages prévus, l’exploitation comptera au total plus de 800 000 poulets chaque année.
Chiffres par an avant et après projet (DDAE)
Nombre de poussins achetés (p. 39)
154 000 -> 859 600
Nombre de poulets produits après mortalité (p. 32)
147 840 -> 825 216
Achat des poussins (p. 33)
49 280 € -> 275 072 €
Achat d’aliments (p. 33)
167 475 € -> 934 905 €
Émissions de CO2 (p. 44)
291,7 t CO2 -> 1 180,8 t CO2
Émissions d’ammoniac (p. 44)
2 237 kg de NH3 -> 5 006 kg de NH3
Production de poussières (p. 44)
375 kg -> 2 116 kg
Consommation d’eau (p. 16)
1 180 m3 -> 6 600 m3
→ Consulter le dossier global sur le site de la préfecture
En plus des souffrances infligées aux animaux, ce projet est une aberration pour :
- L’environnement. L’éleveur mentionne l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (+ 889,1 t CO2e/an), des émissions d’ammoniac (+ 2 769 kg de NH3), de la production de poussières (+ 1 741 kg/an). Les émissions liées au compostage n’ont pas été évaluées pour ce dossier.
- La santé publique. L’élevage est en soi un facteur de risque pour la santé humaine : nombreux problèmes de santé dus aux impacts des particules fines (dont la formation est favorisée par les émissions d’ammoniac), antibiorésistance conséquence de l’administration systématique d’antibiotiques aux animaux (narasin, amoxicilline, salinomycine), propagation de nouveaux pathogènes (zoonoses) due aux conditions d’élevage. Il est indiqué dans le dossier de l’éleveur : « Une épidémie ou un problème sanitaire pourraient survenir sur le site et causer d’importants dommages, si l’élevage n’était pas bien suivi sanitairement. Ainsi, la conduite de l’élevage doit être irréprochable » (p. 196).
- La santé financière de l’éleveur. Avec une trésorerie faible, un emprunt colossal, un revenu faible, l’évolution de la réglementation et la demande du marché, l’éleveur risquera la banqueroute à tout moment. Les aléas du coût des matières premières et des charges externes peuvent mettre en danger l’exploitation, comme en 2019 : « L’ensemble des charges d’exploitation a néanmoins été plus important pour l’exercice clos en 2019. […] Le résultat d’exploitation est ainsi négatif cette année-là. Sans produits et charges financières, ni produits et charges exceptionnelles, les bénéfices ou pertes sont donc des pertes pour ce dernier exercice. Les bénéfices avaient légèrement diminué sur l’exercice précédent. Une augmentation du coût des matières premières et des charges externes peut expliquer ces diminutions » indique l’exploitant dans son dossier (p. 31).
- Les riverains. Le dossier fait part de nombreuses nuisances que subiront les riverains des 23 habitations tierces et des 5 corps de ferme présents dans un rayon de 300 m autour du site d’exploitation (p. 63). « Les tiers peuvent être impactés par le bruit sur le site d’élevage, les vibrations dues aux transports, les odeurs émises, la lumière émise, ainsi que par le risque sanitaire et par les conséquences d’une explosion ou d’un incendie » (p. 108).
Soumis à enquête publique, le projet a fait l’objet de nombreuses contestations de la part des riverains et des associations locales. Le conseil municipal de la commune de Pihem a émis un avis défavorable au projet.
Malgré toutes les objections, le commissaire enquêteur, M. Vital Renond, chargé d’étudier le dossier, a rendu son rapport le 24 mars dernier et a donné un avis favorable au projet. Il porte néanmoins deux réserves, dont une portant sur la capacité financière de l’exploitant : « Aucune offre de prêt, malgré la demande du C.E [commissaire enquêteur], ni globale ni partielle validée par une banque ne permet de démontrer la capacité de la Sarl à investir, et ce, à chaque stade du projet ». Il continue : « L’étude prévisionnelle financière du cabinet comptable ne prend pas en compte la capacité financière durant les différentes phases de construction prévues sur plusieurs années ».
Le préfet du Pas-de-Calais, M. Louis Le Franc, rendra la décision finale, en accordant ou non l’extension de cet élevage.
Pour Sébastien Arsac, cofondateur et porte-parole de L214 : « Qui a intérêt à ce que cet élevage délirant à tout point de vue voie le jour ? La banque, ici la BNP Paribas, et le groupe agro-industriel belge Spoormans qui vend les poussins et l’alimentation à l’éleveur et qui fixe le prix pour lui racheter ses poulets ! Aujourd’hui, le dossier est entre les mains du préfet et nous pouvons faire barrage en signant la pétition pour s’opposer à ce projet d’élevage intensif. Pour les animaux, pour l’environnement, pour la santé publique et, j’ai aussi envie de dire, pour l’éleveur ! ».
Mobilisation contre l’élevage intensif
En France, 80 % des animaux abattus sont confinés dans des élevages intensifs.
Pourtant la demande sociétale est forte : 88 % des Français (sondage YouGov pour L214, juin 2019) sont opposés à ces élevages qui enferment les animaux et ont des conséquences effroyables pour eux, l’environnement, la santé publique, sans oublier les conditions de travail difficiles des éleveurs et des ouvriers d’abattoirs.
Au lieu d’inverser la tendance, les filières continuent de favoriser l’installation de nouveaux élevages intensifs ou leur extension. Dernièrement, à Steenwerck, dans le Nord, un projet d’élevage intensif de poulets de grande ampleur a fait l’objet d’une autorisation préfectorale, alors qu’il était décrié par les riverains, les associations et les politiques locaux.
→ Lire notre communiqué de presse
Un site internet pour accompagner les mobilisations
Afin de favoriser les mobilisations locales contre les projets d’élevages intensifs, L214 a conçu un site internet mettant à disposition de nombreux outils pour organiser des manifestations, utiliser les voies de recours administratives et judiciaires, encourager l’échange d’expériences entre les collectifs.
Et parce qu’il est urgent d’obtenir un moratoire sur ce mode d’élevage, L214 a également mis en ligne une pétition adressée au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, au ministre de la Transition écologique et aux parlementaires.
→ Découvrir le nouveau site de L214