UE : le lobby du lait veut censurer les alternatives végétales

Le 01/04/2021

L’Europe doit trancher entre les intérêts des citoyens et ceux du lobby du lait

Dans le cadre d’une révision de l’organisation commune des marchés (OCM), les institutions européennes décideront ce mois-ci en trilogue quel sort donner à un amendement visant à censurer drastiquement les alternatives végétales. L214 alerte sur le danger que représenterait l’adoption définitive de l’amendement 171, alors que l’urgence éthique et climatique impose de réduire la part de protéines animales dans l’alimentation.

Les alternatives aux produits laitiers sont déjà encadrées de façon très restrictive. Il est par exemple interdit d’utiliser les mots « lait », ou « fromage » sur leur packaging. Ces alternatives doivent donc être appelées « boisson à l’amande », « boisson à l’avoine », etc.

Non contente de ces contraintes déjà lourdes, l’industrie laitière a profité de la révision du règlement (UE) nº 1308/2013 relatif à l’organisation commune des marchés (OCM) pour pousser l’adoption de l’amendement 171, qui vise à étendre drastiquement ces contraintes. Cet amendement, apporté par la commission de l’agriculture et du développement rural, a été adopté par le Parlement européen en séance plénière en octobre dernier.

Avec cet amendement, en utilisant l’argument de la possible confusion pour le consommateur, le lobby du lait se verrait ouvrir la possibilité des restrictions supplémentaires suivantes :

  • interdiction des formats d’emballages évoquant les produits laitiers classiques (ex. : briques en carton) ;
  • interdiction des photographies du produit sur l’emballage si celles-ci se rapprochent trop visuellement d’un produit laitier (ex. : l’image d’un verre de lait d’amande) ;
  • interdiction des informations de texture (ex. : crémeux) ;
  • interdiction des mentions scientifiques, telles que le moindre impact environnemental des alternatives végétales.

Face à l’outrance de la manœuvre de censure des lobbies, la mobilisation citoyenne s’est organisée :

Même Greta Thunberg a résumé sur Twitter l’absurdité de la situation :

« Nous faisons face à une urgence climatique et environnementale. Que pourrions-nous faire ?
Je sais !
Interdisons aux alternatives végétales d’afficher des informations sur les allergènes, de pouvoir être vendues dans des briques en carton, d’utiliser des photographies de leurs produits, et d’afficher l’impact environnemental de leurs produits. Ça réglera le problème.
 »

Malgré cette mobilisation, le ministère de l’Agriculture et la Représentation permanente de la France auprès de l’UE, qui participeront aux négociations, n’ont pas donné suite aux demandes de dialogue de L214. Le silence des institutions françaises et européennes inquiète quant à la transparence du processus de prise de décision.

Éthique animale, climat, santé : le lait est à la croisée de nombreux enjeux

Censurer les alternatives aux produits laitiers est une aberration éthique : la facilité d’accès aux produits végétaux permet aux consommateurs qui le souhaitent de ne plus contribuer à la souffrance des animaux tués pour l’alimentation.

C’est aussi une aberration écologique : à l’heure où l’Assemblée nationale examine le projet de loi Climat et résilience, et où des experts tels que le GIEC préconisent de réduire notre consommation de produits animaux pour limiter le réchauffement climatique, l’Union européenne devrait de toute urgence nous inciter à végétaliser notre alimentation.

La Commission européenne elle-même affiche un objectif de neutralité carbone en 2050 et de végétalisation de notre alimentation (Pacte vert pour l’Europe et stratégie « De la ferme à la table ») : soutenir l’amendement 171 sous la pression du lobby du lait irait à l’encontre des objectifs climatiques et sanitaires de l’UE. Enfin, cette tentative de censurer les alternatives végétales est une entrave majeure à la liberté du consommateur.

→ Lire la pétition adressée à la Commission européenne et aux États membres

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Qui peut, de bonne foi, croire à l’argument du lobby du lait, qui prétend que l’appellation “lait d’avoine” pourrait être trompeuse ? J’attends encore de rencontrer un consommateur qui pourrait se tromper. Se pose-t-on les mêmes questions pour les “fruits de mer” ou les “tomates cœur de bœuf” ? Il s’agit en réalité de l’attaque grossière d’une industrie inquiète de l’essor des alternatives végétales, qui attirent un nombre croissant de consommateurs soucieux de réduire l’impact éthique et climatique de leur alimentation. Ils ne veulent plus acheter ce qui va avec le lait : les souffrances liées à l’exploitation des animaux, les impacts sur le climat et sur leur santé. »