Menace sur l’interdiction de l’abattage sans étourdissement en Europe

Le 13/10/2020

Près 9 Européens sur 10 demandent un étourdissement préalable des animaux avant l’abattage

En 2019, la Région flamande de la Belgique a interdit l’abattage d’animaux sans étourdissement préalable, y compris pour raisons religieuses. Suite à la plainte d’associations juives et musulmanes, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie et doit juger si une interdiction pure et simple de l’abattage sans étourdissement est autorisée par le droit de l’Union.
L’avocat général de la CJUE vient de rendre un avis négatif : si la CJUE venait à le suivre, l’interdiction en vigueur en Belgique serait annulée. Elle remettrait de fait en question les législations d’autres pays de l’Union européenne où l’abattage sans étourdissement est interdit comme en Suède (1988), en Slovénie (2012), en Finlande (2013) ou au Danemark (2014).

Un sondage* mené entre le 30 septembre et le 7 octobre 2020 auprès de 23 126 personnes réparties dans 24 des 27 États membres de l’UE montre que 87 % pensent qu’il devrait être obligatoire de rendre les animaux inconscients avant qu’ils ne soient abattus, même dans le cadre de pratiques religieuses.

→ Les résultats complets du sondage

89% des Européens souhaitent une obligation de rendre les animaux inconscients avant qu'ils ne soient abattus

Eurogroup for Animals, fédération d’associations européennes dont L214 est membre, demande à l’Union européenne d’interdire ce type d’abattage, ou au moins, comme le demandent aussi 92 % des Européens, que les États membres soient en mesure d’adopter des mesures supplémentaires garantissant des normes de bien-être animal plus élevées.

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « L’interdiction de l’abattage sans étourdissement est une demande partagée par 87 % des citoyens européens au vu des souffrances accrues endurées par les animaux. Alors que de plus en plus de pays interdisent cette pratique en s’appuyant sur des avis scientifiques, alors que les instances religieuses commencent à s’ouvrir à des méthodes d’abattage moins effroyables pour les animaux, la décision de la CJUE pourrait nous ramener des décennies en arrière. L’Union européenne doit autoriser les États membres à adopter des mesures plus progressistes que le droit européen, permettant ainsi de faire reculer les pires pratiques. »

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Abattage sans étourdissement : une dérogation

La loi actuelle de l’Union européenne stipule que, lors des mises à mort, tous les animaux doivent être rendus inconscients (« étourdis » par électricité, gaz ou pistolet à tige perforante) avant d’être saignés. Cependant, des exceptions sont faites dans le cadre de certaines pratiques religieuses, notamment pour les rituels halal et casher : les animaux sont mis à mort par égorgement alors qu’ils sont encore pleinement sensibles et conscients.

Avis sans appel des scientifiques et vétérinaires

Le préambule du Règlement européen de 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort souligne que, quelle que soit la méthode utilisée, « la mise à mort des animaux peut provoquer chez eux de la douleur, de la détresse, de la peur ou d’autres formes de souffrance, même dans les meilleures conditions techniques existantes. Certaines opérations liées à la mise à mort peuvent être génératrices de stress, et toute technique d’étourdissement présente des inconvénients. »
Mais certaines méthodes sont pires que d’autres. C’est le cas en particulier de l’égorgement sans étourdissement préalable.

Il est jugé « inacceptable en toutes circonstances » par la Fédération des vétérinaires européens (FVE) depuis 2002, et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) note en 2004 que les « graves problèmes de bien-être animal associés à l’abattage sans étourdissement » devraient conduire à l’éviter.
Depuis 2013, l’abattage sans étourdissement est également dénoncé en France par le Conseil national de l’ordre des vétérinaires dont le président a déclaré qu’« il est irréfutable que les animaux souffrent lors de ces mises à mort. Cela peut donner lieu à des scènes insoutenables avec par exemple des animaux dépecés alors qu’ils sont encore vivants » (Rapport de la mission commune d’information sur la filière viande du Sénat, p. 203).
Plus récemment, en novembre 2019, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a préconisé l’application de la réglementation européenne en rendant l’étourdissement obligatoire.

Des images insoutenables

L214 a montré les conditions d’abattage sans étourdissement à plusieurs reprises, que ça concerne des abattages rituels halal ou casher.
Les diverses vidéos en abattoirs (Metz (2008), Alès (2016), Pézenas et Puget-Théniers (2016), Boulazac (2020), Rodez (2020), etc.) montrent la mise à mort de bovins, moutons, agneaux et veaux sans étourdissement pour les abattages rituels.
Par ailleurs, il est arrivé de pouvoir saisir des images d’abattage pour l’Aïd, comme en 2010 à l’abattoir de Brioude (en Haute-Loire), en 2012 en Rhône-Alpes et Nord ou en 2016 à l’abattoir du Vigeant.


Abattages halal et casher sans étourdissement à l’abattoir Sobeval (Dordogne).

Abattage halal à l'abattoir Sobeval
Abattage casher à l'abattoir Sobeval

→ Toutes les enquêtes en abattoirs de L214

D’après l’association OABA, début 2020, 51 % des abattoirs de boucherie et 17 % des abattoirs de volailles pouvaient pratiquer des abattages sans étourdissement, dans des proportions variables. Le pourcentage des animaux abattus sans étourdissement est estimé, selon le ministère de l’Agriculture, à au moins 14 % pour la filière bovine et 28 % pour la filière ovine et caprine.
Selon AVS (À Votre Service), label de certification halal, en 2010, en France, 70 % des animaux abattus rituellement étaient des « volailles » ; et sur ces 70 %, 90 % ont été étourdies par électronarcose avant la saignée (comme en abattage standard).
Abattage sans étourdissement et abattages rituels ne sont pas confondus : il existe des abattages rituels avec étourdissement.

De plus en plus de pays abandonnent l’abattage sans étourdissement

Suivant les avis scientifiques et vétérinaires, certains pays comme la Suède (1988), la Norvège (2009), la Slovénie (2012), la Finlande (2013), le Danemark (2014), l’Islande (2014) et deux régions de Belgique (Flandre et Wallonie en 2019) ont adopté des règles plus strictes : l’étourdissement des animaux est obligatoire avant l’abattage.

→ En savoir plus sur les restrictions légales à l’abattage religieux en Europe

L’étourdissement avant l’abattage est de plus en plus accepté par les communautés religieuses en Indonésie (pays comptant le plus de musulmans au monde), en Turquie, en Allemagne et au Royaume-Uni). La Nouvelle-Zélande a interdit l’abattage sans étourdissement et a rendu l’étourdissement réversible obligatoire. La viande produite est non seulement certifiée halal par les communautés locales du pays, mais également par les communautés religieuses de Malaisie, d’Inde, du Moyen-Orient, du Canada et de Chine qui importent de la viande halal produite en Nouvelle-Zélande.

*Méthodologie du sondage
Eurogroup for animals et ses organisations membres ont mandaté Savanta ComRes qui a interrogé 23 126 adultes en ligne entre le 30 septembre et le 7 octobre 2020 dans 24 des 27 États membres de l’UE : Allemagne, France, Italie, Espagne, Pologne, Roumanie, Pays-Bas, Belgique, Grèce, Tchéquie, Suède, Portugal, Hongrie, Autriche, Bulgarie, Danemark, Finlande, Slovaquie, Irlande, Croatie, Lituanie, Slovénie, Lettonie, Estonie. Les 3 plus petits États membres de l’UE (Chypre, Malte, Luxembourg) ont été exclus car il était impossible de mener des recherches parmi des échantillons solides dans ces pays. Les données ont été pondérées pour être représentatives de l’UE en fonction de la taille relative de la population de chaque pays et de sa démographie par âge, sexe et région. Savanta ComRes est membre du British Polling Council et respecte ses règles.

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