Le 20/08/2020
Souffrance des animaux, risques sanitaires, atteintes à l’environnement : L214 demande la fermeture définitive du site
L214 diffuse aujourd’hui des images tournées il y a quelques jours sur un site de reproduction de canards utilisés pour le foie gras, situé à Lichos dans les Pyrénées-Atlantiques. Le couvoir rattaché à ce site fait partie de ceux fournissant la filière IGP « Canard à foie gras du Sud-Ouest » (p. 56).
Rarement, dans un élevage, les images ont été aussi révoltantes et répugnantes. Souffrance des animaux, risques sanitaires, atteintes à l’environnement : L214 demande, pétition à l’appui, la fermeture urgente et définitive du site et un audit généralisé de l’ensemble des élevages de reproducteurs et couvoirs de la filière foie gras.
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Pour produire du foie gras, on élève des canards mulards mâles, des hybrides stériles, obtenus par le croisement d’une cane Pékin et d’un canard de Barbarie.
Les photos et vidéos d’août 2020 que L214 a pu obtenir montrent un élevage de canards de Barbarie dont on prélève le sperme régulièrement pour inséminer artificiellement des canes Pékin.
Sur ces images particulièrement choquantes, on peut voir :
– un bâtiment sans fenêtre, délabré, contenant des dizaines de cages défoncées ;
– des canards en vie, certains en souffrance extrême, au milieu de nombreux canards morts en état de putréfaction, parfois même à l’état de squelettes ;
– des canards enfermés dans des cages étroites, nues, entièrement grillagées : ils n’ont même pas d’espace pour étendre leurs ailes et leurs pattes sont blessées par le sol en métal ;
– des cages tellement défoncées que des canards ont pu s’échapper et pataugent dans les excréments qui recouvrent uniformément le sol ;
– le sol recouvert d’une couche de 15 cm d’excréments dans le bâtiment qui rend l’air irrespirable. Ce flot de déjections s’écoule également à l’extérieur, à proximité d’un cours d’eau classé Natura 2000 ;
– des rats, des asticots, des mouches et d’autres insectes en grand nombre.
La situation de cet élevage est catastrophique. Les conditions de vie des animaux sont effroyables, les risques sanitaires sont élevés, les atteintes à l’environnement sont alarmantes et les conditions de travail pour les salariés tout bonnement épouvantables.
Pour Sébastien Arsac, porte-parole de L214 : « En 15 ans d’enquêtes de terrain, jamais je n’avais vu une situation pareille ! Le bâtiment semble totalement à l’abandon, de vieilles cages sont complètement défoncées… Pourtant, non ! Cet élevage fonctionne, des canards sont à l’intérieur ! Ils y survivent au milieu de dizaines de cadavres en putréfaction, d’asticots, de rats et d’autres insectes. Et l’odeur ! Insoutenable… Les déjections ne sont pas gérées et le sol est recouvert d’une couche de 15 cm d’excréments. Ce flot de déjections se déverse à l’extérieur : un risque de pollution important pour le Saison, le cours d’eau classé Natura 2000 qui passe à proximité. De plus, avec cette accumulation de déjections, de crasse et de cadavres en décomposition, cet élevage est une véritable bombe sanitaire. La situation semble totalement hors de contrôle.
Cet élevage doit absolument fermer de toute urgence. Nous avons saisi les autorités en ce sens.
En décembre dernier, nous montrions que le couvoir de La Peyrouse laissait agoniser des milliers de canetons femelles dans les poubelles, pratique absolument interdite. Ces graves situations, coup sur coup, laissent penser que les carences des contrôles dans ce secteur sont importantes. Nous demandons au ministre de l’Agriculture un audit général des élevages reproducteurs et couvoirs de la filière foie gras et la publication in extenso des rapports d’inspection. »
L214 saisit les services compétents en matière de protection des animaux, risques sanitaires et atteintes à l’environnement
Au vu de ces éléments, L214 interpelle les services vétérinaires, les préfets des Landes (où se trouve le siège social de l’exploitation) et des Pyrénées-Atlantiques, ainsi que le ministre de l’Agriculture et leur demande la fermeture immédiate et définitive de cet élevage.
Mercredi après-midi, L214 a déposé plainte pour actes de cruauté sur les animaux, abandon et atteintes à l’environnement auprès du tribunal de grande instance de Pau. Elle espère a minima qu’une interdiction d’exercer une activité d’élevage sera prononcée à l’encontre des personnes responsables de cette situation.
De plus, elle alerte l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) :
– sur les flots d’excréments qui s’écoulent hors de l’élevage, avec en circonstances aggravantes le fait que le site soit à proximité du Saison, cours d’eau classé Natura 2000 ;
– sur les risques sanitaires représentés par un élevage où les cadavres et les déjections ne sont pas gérés.
Comment les services de l’État ont-ils pu passer à côté d’une situation aussi dramatique ?
D’après notre lanceur d’alerte, cette situation n’est pas nouvelle. Quelle est la fréquence des inspections des services de l’État en matière de protection animale dans les élevages ? « La pression d’inspection annuelle (inspections programmées et inspections sur plainte) est constante avec 1 % des élevages contrôlés à ce titre. » peut-on lire dans le rapport annuel 2018 du plan national de contrôles officiels pluriannuel (PNCOPA) 2016-2020 (p. 26). Cette même phrase est copiée-collée depuis 2 ans (rapport 2016, rapport 2017). En 2009, alors que nous interpelions les services vétérinaires au sujet d’un élevage de poules pondeuses catastrophique, ce même chiffre était avancé.
Autrement dit, l’objectif des services de l’État est d’inspecter les élevages 1 fois tous les 100 ans.
Les élevages de reproducteurs et les couvoirs sont-ils hors de contrôle ?
En décembre dernier, nous dévoilions le fonctionnement d’un autre couvoir, celui de La Peyrouse dans le Périgord, rattaché au lycée agricole de Périgueux : des milliers de canetons indésirables étaient jetés vivants directement dans les poubelles. Durant des nombreuses années, aucune inspection n’était venue interrompre ce fonctionnement illégal dans un établissement pourtant dédié à la formation.
L214 demande au ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, de diligenter un audit de l’ensemble des élevages de canards reproducteurs et couvoirs de la filière foie gras et de publier les rapports complets d’inspection comme l’avait fait Stéphane Le Foll en 2016 concernant les abattoirs d’animaux de boucherie.
Le foie gras : une fable qui ne tient pas la route
Les 18 et 19 septembre auront lieu les journées du Patrimoine : la filière foie gras y participe pour la première fois cette année, poursuivant ainsi sa fable sur la tradition et le terroir. La réalité est tout autre.
En France, l’écrasante majorité du foie gras est produit de façon industrialisée avec des souches de canards optimisées après des années de recherche dans des laboratoires de zootechnie.
Les canards reproducteurs mâles sont des canards de Barbarie, non-migrateurs. Ils sont encagés toute leur vie, leur sperme prélevé quotidiennement.
Des canes Pékin sont inséminées artificiellement avec cette semence pour donner naissance à des canards mulards, des hybrides stériles, incapables de voler. Triés par sexe à la naissance, les femelles sont broyées ou gazées, leur foie étant de moins bonne qualité selon la filière.
Les mâles, quant à eux, seront élevés pendant 80 jours puis gavés à la pompe pneumatique ou hydraulique pendant une dizaine de jours de façon à leur faire développer la stéatose hépatique, maladie du foie provoquée par la suralimentation forcée. L’état des canards est dégradé, le taux de mortalité est décuplé et le volume du foie des canards mulards peut atteindre jusqu’à 10 fois sa taille normale, résultat attendu par les professionnels.