Le 24/06/2020
L214 porte plainte pour sévices graves
Plus de 500 000 agneaux1 issus de la filière roquefort sont envoyés à l’abattoir chaque année. L214 diffuse aujourd’hui des images2 tournées dans l’un des plus gros élevages où sont engraissés ces agneaux, ainsi que dans un abattoir industriel où ils sont abattus. L214 porte plainte pour sévices graves contre l’abattoir, qui avait déjà été épinglé par les services vétérinaires il y a 4 ans3.
Pour produire le lait qui sera transformé en roquefort, les brebis doivent donner naissance à des agneaux. Chaque année, plus d’un million d’agneaux4 naissent et seulement un quart d’entre eux5 sont gardés sur les exploitations pour renouveler le cheptel. Les autres sont envoyés dans des élevages intensifs pour y être engraissés, puis transportés à l’abattoir.
→ Voir la vidéo d’enquête sur Youtube
→ Voir et télécharger des images brutes
→ Voir et télécharger des photos de l’enquête
→ Voir le rapport des services vétérinaires de 2016
→ En savoir plus sur l’élevage des moutons
La SARL Grimal – la plus grosse exploitation d’engraissement d’agneaux de France
L214 a pu se procurer des images tournées dans la SARL Grimal, située dans l’Aveyron. La SARL Grimal engraisse 120 000 agneaux par an, soit 10 % des agneaux6 qui naissent sur le territoire de l’appellation d’origine protégée roquefort. Les images montrent des milliers d’agneaux entassés dans des bâtiments sans jamais avoir accès à l’extérieur. De nombreux agneaux sont malades, certains agonisent pendant des heures sans recevoir de soins. Des bacs d’équarrissage sont remplis d’animaux morts.
L’abattoir industriel d’Arcadie Sud-Ouest près de Rodez
L’enquête s’est poursuivie à l’abattoir industriel d’Arcadie Sud-Ouest, près de Rodez, où sont abattus une partie des agneaux de la SARL Grimal. Les agneaux terminent leur misérable vie dans de grandes souffrances dans cet abattoir où un agneau est abattu toutes les 10 secondes et où les pratiques d’abattage sont totalement défaillantes. Ils sont égorgés à vif (abattage rituel) ou, théoriquement, étourdis avant d’être saignés. L’étourdissement des agneaux se fait par électrocution, mais les mauvaises pratiques7 et les cadences infernales entraînent la saignée et l’accrochage d’agneaux encore totalement conscients. Dans un rapport édifiant de 2016, les services vétérinaires avaient déjà constaté des « non-conformités majeures » pour l’étourdissement et la mise à mort des ovins dans cet abattoir.
L214 porte plainte auprès du procureur de la République de Rodez pour sévices graves envers des animaux et demande la fermeture d’urgence de l’abattoir, qui présente de graves problèmes structurels et des pratiques d’abattage grandement déficientes.
L214 introduit un recours en responsabilité contre l’État pour manquement à sa mission de contrôle de l’application de la réglementation.
L214 demande à la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de « roquefort » la modification du cahier des charges de l’appellation d’origine « roquefort ». Actuellement rien n’est exigé pour les agneaux. Comme c’est le cas pour les brebis, il devrait être interdit d’enfermer les agneaux toute leur vie dans des bâtiments fermés sans accès au pâturage, et l’abattage sans étourdissement (des agneaux et des brebis) devrait être prohibé.
L214 incite par ailleurs les candidats aux élections municipales à signer l’engagement « Une ville pour les animaux » comportant une série de mesures concrètes en faveur des animaux. Plus de 300 candidats se sont déjà engagés à exclure de la commande publique les produits issus de l’élevage intensif.
Pour Sébastien Arsac, porte-parole de l’association L214 : « Le roquefort est indissociable des agneaux qui naissent chaque année pour provoquer la lactation des brebis. Si la filière met en avant l’accès extérieur aux brebis, elle passe sous silence le sort des agneaux qui sont engraissés dans des élevages intensifs. La production de lait et des produits laitiers sont, tout comme celle de viande, à l’origine de grandes souffrances et de la mise à mort préméditée de millions d’animaux chaque année. »
→ Voir la vidéo d’enquête sur Youtube
→ Voir et télécharger des images brutes
→ Voir et télécharger des photos de l’enquête
→ Voir le rapport des services vétérinaires de 2016
→ En savoir plus sur l’élevage des moutons
1 Société nationale des groupements techniques vétérinaires, Production et engraissement des agneaux dans le bassin de Roquefort : « 500 000 agneaux mis sur le marché à 14 kg (agneaux de Roquefort) sont plus de 80% sont engraissés dans le département. »
2 Les images de la SARL Grimal ont été tournées fin janvier et début février 2020. Quant aux images de l’abattoir Arcadie Sud-Ouest, elles ont été tournées en février 2020.
3 Rapport d’inspection de la DDCSPP de l’Aveyron. Date de l’inspection du 4 au 7 avril 2016.
4 INRA, Panorama de la production de lait de brebis en France et son évolution depuis 50 ans : « 769 000 brebis constituent le troupeau laitier du Rayon de Roquefort ». Chaque brebis donne naissance à 1 ou 2 agneau chaque année.
5 Cas type présenté par les Chambres d’Agriculture : pourcentage d’agnelles de renouvellement : 24%.
6 La Tribune, Pourquoi les fermes-usines font débat en Midi-Pyrénées.
7 Les électrodes sont souvent placées sur le cou et non sur la tête des animaux.
La filière du roquefort
Le roquefort bénéficie d’une appellation d’origine depuis 1925. La marque Société du groupe Lactalis produit 70 % du roquefort en France. Les agneaux engraissés à la SARL Grimal proviennent notamment d’élevages approvisionnant Roquefort Société. La zone de collecte du lait est limitée aux élevages situés dans un territoire d’un rayon de 100 km environ autour du village de Roquefort-sur-Soulzon en Aveyron.
Le roquefort est obtenu à partir du lait de brebis. Aujourd’hui, plus de 700 000 brebis sont exploitées par la filière du roquefort. Pour produire du lait, les brebis doivent donner naissance à des agneaux chaque année. Elles sont généralement inséminées artificiellement (à plus de 80 %). En moyenne, la prolificité est de 1,5 agneau par brebis. Ce sont ainsi plus d’un million d’agneaux qui naissent tous les ans dans la filière. 25 % d’entre eux (des femelles) sont gardés dans les exploitations pour renouveler le cheptel. Les autres, soit entre 500 000 et 800 000 agneaux, sont envoyés directement à l’abattoir (pour les agneaux de lait) ou à l’engraissement puis à l’abattoir pour la majeure partie.
La production de roquefort est encadrée par un cahier des charges, mais celui-ci n’impose aucune règle quant au traitement des agneaux produits par la filière.
La SARL Grimal, engraissement intensif
La SARL Grimal est située dans l’Aveyron, sur la commune de Rullac-Saint-Cirq. Elle est constituée d’une quinzaine de bergeries et engraisse 120 000 agneaux chaque année, ce qui représente 10 % des agneaux sur le territoire de l’appellation d’origine protégée roquefort.
La région Midi-Pyrénées a subventionné l’élevage à hauteur de 280 000 € et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) à hauteur de 230 000 € pour la construction d’un méthaniseur.
Les images de l’enquête montrent des agneaux entassés les uns sur les autres. De nombreux agneaux souffrent de maladies respiratoires. Des agneaux estropiés n’arrivent plus à atteindre les abreuvoirs. Certains agonisent au milieu des autres. On peut constater la présence de récipients d’antibiotiques (tulathromycine). Plusieurs bacs d’équarrissage sont remplis de cadavres.
L’abattoir d’Arcadie Sud-Ouest près de Rodez, non-conformités majeures
L’abattoir d’Arcadie Sud-Ouest, filmé dans cette enquête, se trouve sur la commune de Sainte-Radegonde, près de Rodez. Une partie des agneaux engraissés par la SARL Grimal sont tués dans cet abattoir.
Il avait été inspecté en 2016 dans le cadre de l’audit général exigé par Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, suite à plusieurs enquêtes de L214 dans différents abattoirs. Le rapport faisait état d’une situation extrêmement préoccupante.
Extraits :
« Personnel D – Non-conformité majeure
Le personnel ne connaît pas et n’applique pas les bonnes pratiques en protection animale. Les modes opératoires ne sont pas respectés, en abattage conventionnel comme en abattage rituel. L’opérateur au tissage et un bouvier ne disposent pas de certificat de compétences. […] L’immobilisation du corps des brebis n’est maintenue que durant la temporisation du restrainer (15 sec), or la perte de conscience est plus lente dans cette catégorie et les animaux à l’issue de l’arrêt temporisé du restrainer sont systématiquement hissés conscients, en l’absence de tout autocontrôle par l’opérateur au tissage, qui n’est pas titulaire du certificat de compétences. »
« Équipements spécifiques C – Non-conformité moyenne
Absence de rideau permettant de masquer la vue des congénères pendus sur le rail de saignée aux animaux vivants amenés dans le restrainer.;»
« Mise à mort D –- Non-conformité majeure
L’opérateur à la saignée utilise le même couteau sur des lots d’environ 15 animaux sans rinçage ni stérilisation du couteau entre les lots (rinçage uniquement au moment de l’affilage de la lame). »
« Évaluation globale
Commentaire :
Le fonctionnement observé présente des non-conformités majeures (absence d’autocontrôles au poste de mise à mort et hissage d’animaux conscients). Le système documentaire est confus et difficilement exploitable en pratique, le plan de maîtrise sanitaire est très incomplet (absence de prise en compte de certaines espèces), les MON [modes opératoires normalisés] ne sont pas rédigés et des consignes parfois insuffisantes (absence de plusieurs certificats de compétence).
La vérification est insuffisante et inefficace, la réactivité de l’exploitant est nulle. »
Les images filmées en 2020 montrent que rien n’a changé !