Le 25/02/2020
« Il nous faut des éléments de langage béton pour ce soir… »
Avant même la sortie publique des images de l’abattoir Sobeval le 20 février, les discours officiels des services du ministère de l’Agriculture sèment le doute sur la véracité des images diffusées par L214. Pour le ministre de l’Agriculture et les services vétérinaires, tout est sous contrôle, les premiers éléments en leur possession l’assurent : cet abattoir « est en règle » et « respecte le bien-être animal ».
C’est sans compter sur… des erreurs de destinataires : des échanges de mails entre les hauts fonctionnaires du ministère de l’Agriculture parviennent dans les boites mails de L214.
Dès le 19 février, au ministère de l’Agriculture, des échanges mails trahissent l’inquiétude générée par ces nouvelles images montrant des souffrances intenses pour les animaux et des carences claires des services de l’État. Les infractions (NC = non-conformités) sont avérées : « indéniables, voire majeures » aux yeux des fonctionnaires.
Alertés depuis le 19 février, la préfecture, les services vétérinaires, les services du ministère et le ministre lui-même ont sciemment choisi de mentir et se servent d’éléments de langage pour masquer une réalité reconnue par leurs services.
L214 réitère sa demande de fermeture immédiate de l’abattoir Sobeval pour les infractions graves que révèlent les images publiées jeudi dernier.
L’association demande la démission de Didier Guillaume. Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Encore une fois, nous nous trouvons confrontés à un ministre qui dissimule le non-respect de la réglementation, qui n’ira jamais à l’encontre des lobbies de la viande, jamais dans le sens de l’intérêt général, qui ne défendra jamais les animaux. Après une annonce bidon concernant le transport des animaux lors d’un épisode de canicule, une présence remarquée à une corrida cet été, des mesures “jamais vues” décevantes, il est grand temps de changer de ministre et de sortir la condition animale du ministère de l’Agriculture.
Avec L214, n’en déplaisent aux lobbies et à leurs marionnettes, nous continuerons de révéler les réalités que les filières souhaiteraient laisser cachées, malgré les menaces de la cellule Demeter, malgré les tentatives de décrédibiliser notre travail. Avec bienveillance et détermination, nous continuerons de défendre les animaux et de faire reculer un modèle agricole et alimentaire effroyable pour les animaux et les humains, désastreux pour l’environnement et la santé publique. »
Contacts presse :
Sébastien Arsac : 06 17 42 96 84
Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66
Les sigles dans les en-têtes et les échanges d’e-mails indiquent les services impliqués. Le détail des sigles figure sur les organigrammes de l’administration centrale du ministère de l’Agriculture.
Des propos mensongers
« J’ai diligenté immédiatement des contrôles et les contrôles tels que les premiers résultats que nous avons, mais on en aura un peu plus, montrent que le respect du bien-être animal est là, montrent que les choses se font », expose Didier Guillaume (Europe 1, 23 février 2020).
Frédéric Piron, Directeur départemental des services vétérinaires souligne : « On n’est pas derrière chaque opérateur en permanence. On n’assiste pas aux opérations d’étourdissement, de saignée de tous les animaux mais ce que je peux dire c’est que cet abattoir est en règle et que la réglementation et au quotidien l’action de l’État permet de le confirmer, de le conforter. » (France 3 Périgord, 20 février 2020).
La préfecture de Dordogne a diffusé un communiqué de presse dès mercredi 19 février vers 19 h : « Au premier visionnage des vidéos de l’association, il n’y a pas de mise en évidence de non-conformité à la réglementation. »
Les discours de façade se veulent rassurants, cherchent à discréditer les images et le travail fait par L214.
La fabrique des éléments de langage
La veille de la sortie des images, au sein du ministère, le discours est tout autre. Prévenus par un journaliste, les services du ministère sont en alerte : ils disposent de la vidéo d’enquête mais aussi du communiqué de presse, du rapport et des rushs, fournis sous embargo à quelques journalistes. Tout au long de la journée du 19 février, le ministère s’active : plus de 17 personnes du ministère seront dans la boucle de ces e-mails.
« Il nous faut des edl [éléments de langage] béton pour ce soir… Et côté Saj [service des affaires juridiques] à voir également. Merci! » écrit une conseillère du cabinet du ministre de l’Agriculture dès le 19 février, tôt dans la matinée.
Les « edl », ce sont les éléments de langage : comment répondre à la presse, que mettre dans le communiqué de presse de la préfecture ?
On peut suivre l’élaboration des éléments de langage et les directions qui sont données.
Les éléments de langage sont soumis aux différents services : services du ministère de l’Agriculture mais également aux services du commerce extérieur. En effet, l’abattoir exporte notamment en Israël, en Égypte, aux États-Unis.
À noter également, ces mails laissent entendre que ces éléments de langage ont été partagés à des lobbies de la viande (INTERBEV et FedeV).
Les éléments sont diffusés en interne à la DGAL, soulignant les faiblesses de l’argumentaire avancé :
« attention : ces éléments très précis sont des “dires de” ; il est toujours possible que des NC [non-conformités] soient relevées exceptionnellement dans ces domaines et il serait risqué de trop s’avancer sur la question des NC toutes corrigées. »
En effet, les images tournées en novembre et décembre 2019 montrent que même après les contrôles, les non-conformités perdurent.
Contrairement à ce qu’affirme la DGAL, lors des abattages sans étourdissement, les veaux ne sont pas maintenus 45 secondes et aucun contrôle du réflexe cornéen n’est effectué avant l’ouverture du box de contention : des veaux sont sortis du box sans que leur perte de conscience ou de sensibilité n’ait été vérifiée.
Si une mentonnière a bien été installée, elle n’est pas utilisée dans le cadre des abattages standards : la tête des veaux n’est toujours pas immobilisée, les tirs d’étourdissement sont toujours aléatoires, les contrôles de conscience ou de sensibilité absents.
Sur les images, on voit bien les veaux tirés au sol vers le poste de saignée : la question sanitaire demeure.
Nous n’avons pas contesté une présence des services vétérinaires au sein de l’abattoir, nous l’avons même mentionnée. Par contre, aucune action corrective de leur part n’apparaît sur les images que nous avons pu obtenir, pas même une présence active pendant les abattages sans étourdissement.
Nous n’avons pas contesté le calme des opérateurs, simplement souligné que les procédures d’abattage ne respectaient pas la réglementation en vigueur.
Le 20 février au matin, un mail de plus atteste que les services du ministère sont bien conscients des non-conformités décelées sur les vidéos : « J’ai fait la liste des NC indéniables, voire majeures relevées ! »
Les éléments de langage ont bien été reçus visiblement…
Faire confiance aux services de l’État ?
En décembre 2019, nous révélions le sort réservé aux canetons femelles au Domaine de la Peyrouse, rattaché au lycée agricole de Périgueux : abandonnés dans les poubelles, ces oisillons y agonisaient longuement. Depuis l’ouverture du Domaine, des dizaines d’années plus tôt, jamais les services vétérinaires de Dordogne n’avaient relevé cette infraction majeure à la réglementation, condamnant des centaines de milliers de canetons chaque année à une mort lente et douloureuse. Jusqu’à ce que L214 le leur signale…
Quelle confiance les citoyens peuvent-ils accorder à un ministère qui leur ment pour cacher ses manquements, commettant ainsi une faute grave ? Quelle crédibilité accorder au ministre de l’Agriculture ? M. Didier Guillaume doit démissionner.
Contacts presse :
Sébastien Arsac : 06 17 42 96 84
Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66