Le 24/10/2019
Les préoccupations des Français autour de la souffrance des animaux pourraient (enfin) avoir trouvé de l’écho auprès de l’exécutif : le ministre de l’Agriculture, M. Didier Guillaume, promet en effet depuis plusieurs semaines de « grandes mesures ». Personne ne se fait d’illusion sur la probabilité d’annonces révolutionnaires, mais des évolutions pourraient avoir lieu au sujet de certaines pratiques d’élevage et d’abattage (broyage des poussins, castration à vif des porcelets), à moins que la pression des lobbies ne contraigne finalement le gouvernement à faire une simple opération de communication. Réponse dans quelques jours.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Les annonces du ministre seront-elles à la hauteur des attentes ? Face à un gouvernement qui agit contre les animaux depuis deux ans et demi, le doute est permis. Sans espérer une avancée significative sur l’élevage intensif – soyons réalistes –, il reste possible d’imaginer des avancées ponctuelles mettant fin à des pratiques particulièrement cruelles aujourd’hui encore légales et routinières, comme le broyage des poussins ou la castration à vif des porcelets. Serons-nous dans le domaine des simples effets d’annonces ou y aura-t-il des changements dans la législation ? Nous sommes impatients d’entendre ces mesures inédites annoncées depuis des mois. »
Contacts presse :
Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66
Samuel Airaud : 06 01 78 17 09
De « grandes mesures » ?
Les informations sont subtilement distillées dans la presse depuis la fin du mois d’août : la rentrée serait enfin l’occasion d’avancer sur la condition animale. Pour ouvrir le bal, M. Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, assurait dans une tribune porter « une attention redoublée au bien-être animal » (L’Opinion, 28/08/2019). Des intentions qu’il confirmait le lendemain : « nous allons annoncer des grandes mesures dans les semaines qui viennent avec le président de la République et le Premier ministre » (CNews, 29/08/2019). En effet, M. Emmanuel Macron « pousse le gouvernement à s’emparer du thème du bien-être animal » sous l’impulsion notamment de M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (Le Canard enchaîné, 09/10/2019).
Les annonces du ministre de l’Agriculture ne concerneraient a priori que la filière œufs et la filière porcine :
- « Nous allons mettre fin au broyage des poussins » (Agra Presse, 27/09/2019). Cette initiative, issue de l’avancée de la recherche en matière de sexage in ovo, fait suite au travail initié par M. Stéphane Le Foll, attribuant alors plus de 4 millions d’euros pour développer le procédé (Politique & Animaux, 18/08/2015). M. Didier Guillaume et son homologue allemande ont par ailleurs déclaré vouloir mettre fin au broyage des poussins fin 2021 (Tweet de Didier Guillaume, 16/10/2019).
- « Nous faisons un énorme travail sur [la castration à vif] et des annonces seront faites début octobre » (Le Monde, 06/09/2019). En effet, il y a quelques mois, en réponse à une question écrite de M. Loïc Dombreval, député des Alpes-Maritimes et président du groupe d’études Condition animale à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Agriculture soulignait que « la recherche d’alternatives à cette pratique est devenue une priorité » mais restait évasif sur l’option retenue (Journal officiel, 09/07/2019).
Le contour de ces mesures sera dévoilé dans les jours qui viennent. En tout cas, les députés de la majorité, à l’instar de Mme Aurore Bergé, députée des Yvelines et porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée nationale, préviennent : « on a pris des engagements sur la question de l’interdiction du broyage des poussins, sur la castration à vif des porcelets. Le ministre a dit qu’il ferait des annonces ; on les attend de pied ferme dès le mois de septembre et on souhaite aller plus loin avec notre proposition de loi. » (France Info, 21/08/2019).
Alors que le ministre de l’Agriculture avait invité début octobre les organisations de défense des animaux membres du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV) pour leur présenter ces « annonces », la réunion a finalement été reportée au 29/10/2019 pour consulter les filières (Agra Presse, 27/09/2019). Les ONG (CIWF France, Confédération nationale – Défense de l’animal, Fondation assistance aux animaux, Fondation Brigitte Bardot, Fondation 30 Millions d’Amis, Société protectrice des animaux, Fondation droit animal, éthique et sciences, Ligue française pour la protection du cheval, Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs et Welfarm) dénoncent « l’ONG bashing » de M. Didier Guillaume, ainsi que « des mesures décidées unilatéralement, sans aucune concertation préalable [des associations] » (Communiqué de presse, 01/10/2019).
Edit du 30 octobre 2019 :
Initialement envisagée à la rentrée, la date des annonces est à nouveau repoussée par M. Didier Guillaume : « ce sont des annonces que nous allons faire dans les semaines qui viennent. Novembre ou décembre… On verra ce qui se passera avec le Premier ministre et ce qui sera décidé. » (France Inter, 30/10/2019)
Le gouvernement agit contre les animaux
Ces annonces arrivent dans un contexte dans lequel la condition animale ne semble pas encore considérée comme une question majeure par le gouvernement, avec un bilan peu reluisant depuis le début du quinquennat, à l’image de celui du ministre de l’Agriculture.
→ Voir les prises de position de M. Didier Guillaume sur Politique & Animaux
Premier rendez-vous manqué, l’examen du texte issu des États généraux de l’alimentation, dont l’ensemble des amendements favorables aux animaux ont été rejetés, notamment ceux qui traduisaient des engagements de campagne du président de la République (mise en place du contrôle vidéo dans les abattoirs, fin des élevages de poules en cage), et ceux relatifs aux pires pratiques d’élevage et d’abattage (fin du broyage des poussins mâles, interdiction de la castration à vif). « En prenant la décision d’avancer à contresens de l’histoire, nos députés ont raté un rendez-vous : celui de l’engagement de notre société vers plus de justice et de compassion au bénéfice de tous. » (L214, 28/05/2018).
Un Comité national d’éthique des abattoirs (CNEAb) se réunit depuis juin 2017, en l’absence de L214, délibérément exclue alors que le travail d’enquête de l’association en est à l’origine. Le rapport publié par cette instance « n’apporte aucune nouvelle proposition pour faire véritablement appliquer la réglementation ou faire évoluer la législation » (L214, 04/04/2019).
Suite à la révélation de l’enquête dévoilant le sort des vaches à hublot dans un centre privé d’expérimentation zootechnique, M. Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, et Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Écologie, ont défendu des expérimentations « utiles », « qui ne font pas souffrir l’animal »… Une fois de plus, « le gouvernement [vole] au secours de la productivité de l’élevage intensif » (L214, 27/06/2019).
Lors de la canicule de l’été 2019, le ministre de l’Agriculture annonçait le 27 juin avoir pris un arrêté la veille pour interdire le transport d’animaux, alors qu’aucun texte n’était publié au Journal officiel (Libération, 29/06/2019). Un arrêté moins exigeant était publié quelques semaines plus tard…
Au milieu de l’été, M. Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture en charge du « bien-être animal », et Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, assistent à une corrida à Bayonne (Sud Ouest, 15/08/2019). Même si le ministre « regrette que ça ait pu choquer un certain nombre de citoyens qui sont contre ces pratiques » (Le Parisien, 19/08/2019), un profond décalage s’est installé entre le ministre et la société, amenant un collectif de personnalités et d’associations à demander le retrait de sa compétence « protection animale » (Libération, 12/09/2019).
Enfin, l’interdiction de la construction de nouveaux bâtiments d’élevage de poules en cage ou de leur réaménagement (votée en 2018) pourrait être discrètement modifiée par la publication d’un décret d’application autorisant certains travaux (Libération, 27/09/2019) : un nouveau recul autour d’une disposition déjà peu ambitieuse.
Face aux conséquences dramatiques de notre modèle agricole et alimentaire sur les animaux, l’environnement, le partage des ressources, la santé publique, les conditions de travail des éleveurs et des salariés de l’agroalimentaire, plus de 200 personnalités et organisations, appuyées par près de 100 000 signataires, se mobilisent pour exiger des politiques ambitieuses de sortie de l’élevage intensif. Ils demandent « des actes, des mesures fortes et concrètes pour sortir de l’impasse » (Le Monde, 05/09/2019).
86 % des Français considèrent que les pouvoirs publics doivent s’occuper du « bien-être » des animaux d’élevage (Eurobaromètre, Commission européenne, 2016). Face à cette forte attente sociétale, la laborieuse rentrée de l’exécutif pourrait illustrer son absence d’ambition en matière de « bien-être animal ».
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Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66
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