Bigard-Socopa-Charal assigné en justice pour non-publication des comptes

L214, Lanceur d’alerte, Inès Léraud et Pierre Hinard assignent le géant de l’agroalimentaire en justice

Malgré une mobilisation des parlementaires en 2017 et un renforcement des sanctions encourues en 2018, la société Bigard, propriétaire des marques Bigard, Socopa et Charal, refuse obstinément depuis maintenant 5 ans de se soumettre à l’obligation légale de publication de ses comptes.

L’association L214, la journaliste Inès Léraud (autrice de Algues vertes, l’histoire interdite), le lanceur d’alerte Pierre Hinard (auteur du livre Omerta sur la viande) et l’association Lanceur d’alerte (représentée par Alexandre et Maxime Renahy, auteur de Là où est l’argent) ont décidé d’assigner en justice le numéro 1 de la viande française pour lever cette opacité financière. Rendez-vous pris les :

  • 5 septembre à 10 h au tribunal de commerce de Quimper (sociétés GROUPE BIGARD et autres)
  • 10 septembre à 10 h au tribunal de commerce d’Angers (société CHARAL)
  • 25 septembre à 13 h 30 au tribunal de commerce de Créteil (société FINANCIÈRE BIGARD)

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Il est extrêmement difficile d’obtenir des images des conditions de mise à mort des animaux dans les abattoirs, nous n’y sommes d’ailleurs parvenus qu’une seule fois chez Charal. Pour Bigard-Socopa-Charal, cette opacité revendiquée s’étend également aux comptes. Ni les parlementaires, ni le ministre de l’Agriculture n’ont pu contraindre le groupe à se conformer à la loi. Nous demandons au Tribunal de commerce de faire respecter la loi et d’enjoindre ce groupe à publier ses comptes. »

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N° 1 de la viande

Bigard, c’est 70 % des steaks hachés vendus dans l’Hexagone. La société domiciliée à Quimperlé (Finistère) a abattu 1,3 million de bovins adultes, 400 000 veaux, 5 millions de cochons et 400 000 agneaux en 2015. D’après les derniers comptes publiés en 2013, l’industriel a engrangé un chiffre d’affaires de 4,3 milliards d’euros et des bénéfices de 30 millions d’euros. En 2016, devant la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie présidée par le député Olivier Falorni, Jean-Paul Bigard confirme un chiffre d’affaire de 4,2 milliards d’euros pour 2014.

→ Plus d’info dans un article de Capital

→ Compte rendu de l’audition de Jean-Paul Bigard devant la commission d’enquête de M. Falorni en 2016

Ni les mises à mort…

« L’acte de mort est totalement verrouillé. Ce n’est pas un spectacle, c’est un acte difficile, même lorsqu’il est bien géré. On voit du sang, on entend du bruit, il y a une odeur. C’est plus impressionnant sur un bovin de 500 kilos que sur un poulet de 1,5 kilo. Il est possible de renforcer encore les règles, mais nous n’avons aucun intérêt à mettre en scène et à ouvrir le début d’une chaîne d’abattage. La première partie de la chaîne d’abattage, c’est-à-dire de la mort de l’animal jusqu’à son éviscération thoracique, abdominale, autrement dit la vidange de l’animal, est délicate à montrer à des gens qui ne connaissent pas. Cela constitue obligatoirement un choc » a déclaré Jean-Paul Bigard devant la commission d’enquête parlementaire.

Effectivement, en 2008, L214 a pu filmer dans l’abattoir Charal de Metz, et les images restent édifiantes plus de 10 ans plus tard.

→ Enquête dans l’abattoir Charal de Metz (2008)

… ni les comptes

Depuis 2013, le groupe cultive dans ses finances la même opacité que celle qui règne dans ses abattoirs. Ni les éleveurs, auxquels l’industriel refuse de garantir un prix, ni aucun citoyen ne peut savoir quelles sont ses marges et comment est utilisé l’argent public dont il bénéficie. D’après le syndicat Force ouvrière, Bigard aurait perçu 32 millions d’euros d’aides de l’État en crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et en allègements sur les bas salaires pour la seule année 2014, et 26 millions d’euros en 2015.

Auditionné en septembre 2017 à l’Assemblée nationale, Maxence Bigard, fils du PDG Jean-Paul Bigard, avait provoqué un tollé en refusant de répondre aux questions des députés, notamment sur la non-publication de ses comptes. « On est dans Le Parrain ou dans une commission d’audition ? » s’était alors agacé François Ruffin, député de la Somme, essuyant les refus de communication du groupe aux côtés de Richard Ramos, député du Loiret, et de Fabien Di Filippo, député de la Moselle.

L’année suivante, quelques instants avant le vote du 24 mai 2018 dans le cadre de son projet de loi sur l’alimentation, l’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Travert s’était félicité : « Demain, s’il n’y a pas la publication des comptes à l’heure dite, le président du tribunal de commerce pourra grâce à son injonction [demander] de le faire sous astreinte. » Une sanction pouvant atteindre 2 % du chiffre d’affaires quotidien grâce aux dispositions de la loi Sapin II.

Mais en dépit des promesses du ministre de l’Agriculture, le tribunal de commerce du Finistère n’a jamais contraint le groupe Bigard à publier ses comptes.

Lactalis contraint de publier ses comptes

L’association Lanceur d’alerte n’en est pas à son coup d’essai. Début 2019, en partenariat avec la Confédération paysanne, elle a obtenu par une assignation en justice que Lactalis publie ses comptes. Une perquisition a récemment eu lieu au siège de Lactalis suite à une saisine de la Confédération paysanne auprès du parquet financier.

Bigard devant la justice

Pour suppléer les carences de l’État, L214 et ses partenaires donnent donc rendez-vous à Bigard aux tribunaux de commerce de Quimper, Angers et Créteil en septembre.
L’objectif : rappeler aux tribunaux de commerce qu’ils disposent d’outils juridiques leur permettant d’agir efficacement contre les entreprises déloyales.

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