Des œufs infestés de poux
L’association L214 rend publiques ce jeudi les images d’un élevage intensif d’une capacité de plus de 300 000 poules pondeuses situé à Bessay-sur-Allier et produisant des œufs pour le groupe hollandais Interovo Egg Group.
Tournées en avril, elles exposent les conditions de vie déplorables des poules élevées en cage dans un des bâtiments du site : des dizaines de milliers de poules sont entassées dans des cages empilées et alignées dans cet immense bâtiment fermé. Ces poules ne verront jamais la lumière du jour. Dans certaines cages, on trouve des poules mortes qui n’ont pas été ramassées et dont le corps est momifié. Des œufs sont infestés de poux.
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Ces œufs sont produits par le groupe Interovo et seront utilisés pour la fabrication industrielle de produits agroalimentaires comme les gâteaux et les plats préparés pour lesquels le consommateur ne dispose d’aucune traçabilité quant au mode d’élevage (contrairement aux œufs entiers où l’indication du mode d’élevage est obligatoire).
Ces images révèlent une fois de plus les sérieux problèmes inhérents à l’élevage en batterie, comme en témoignent les nombreuses enquêtes déjà réalisées par L214 depuis plusieurs années. S’appuyant sur ces constats et sur l’abondante expertise scientifique disponible, L214, ainsi que plusieurs autres associations en France et en Europe, demandent l’interdiction de l’élevage des poules en cage par le biais de l’Initiative citoyenne européenne (ICE) End the Cage Age. Cette pétition, déjà forte de plus d’un million de signatures, a pour but d’obliger la Commission européenne à étudier cette question.
→ L’Initiative citoyenne européenne
→ Liste des entreprises engagées en France
La semaine dernière, le groupe Avril et Terrena se sont engagés à abandonner l’élevage des poules en cage d’ici 2025 pour l’ensemble de leurs activités, rejoignant ainsi d’autres producteurs tels que l’Œuf de nos Villages, le groupe d’aucy, Le Gouessant, Les Œufs Geslin et le groupe Dauphinoise.
Bien que la majorité des producteurs français d’œufs, et non des moindres, soient aujourd’hui engagés, plusieurs groupes n’ont à ce jour publié aucun engagement à abandonner totalement cette pratique.
Il s’agit, entre autres, des groupes LDC, Triskalia, Pampr’œuf, et Interovo.
« Les images de cet élevage de Bessay-sur-Allier sont révoltantes. Elles sont pourtant représentatives de l’élevage des poules en cage en général. 9 Français sur 10 sont opposés à cette pratique mais ne disposent pourtant d’aucune information sur les produits élaborés comme les pâtes, biscuits ou plats cuisinés. Nous appelons la France et l’Europe, via l’Initiative citoyenne européenne (ICE) End The Cage Age, à planifier la fin de l’élevage en cage. Nous demandons également au groupe Interovo de s’engager à tourner le dos à ce mode d’élevage » déclare Johanne Mielcarek, porte-parole de L214
Note
A l’heure où nous publions ces images, les poules filmées en avril 2019 ont toutes été envoyées à l’abattoir. Conformément aux pratiques de l’industrie, l’exploitation a replacé de nouvelles poules dans ces mêmes cages, en remplacement du cheptel précédent. À leur arrivée en élevage, ces jeunes poules sont bien emplumées et vives, mais leur état de santé se dégradera après quelques semaines d’enfermement en cages, comme en atteste le plumage des oiseaux sur la vidéo. Les services vétérinaires de la DDCSPP de l’Allier, que nous avons alertés, se sont rendus sur place cette semaine mais n’ont pu que constater que de la présence de nouvelles poules dans le bâtiment. Ce constat n’atténue en rien la gravité de la situation deux mois plus tôt, et dont il fait peu de doute qu’elle se reproduira dans les mois qui viennent.
Ovoproduits : des œufs de batterie « cachés »
En France et dans l’Union européenne, une réglementation exige de préciser le mode d’élevage sur chaque emballage d’œuf, et d’apposer un code sur chaque œuf : il indique les conditions de vie de la poule qui l’a pondu. Devant les lettres du pays d’origine (FR par exemple), un chiffre allant de 0 à 3 permet de savoir si cette poule vit en cage, au sol en bâtiment fermé, ou si elle a un accès au plein air.
Les consommateurs ne disposent pas de cette transparence pour les produits transformés contenant des œufs comme les quiches, les gâteaux ou encore les plats cuisinés. Il en est de même pour les œufs utilisés dans la restauration ou servis dans les cantines ou les maisons de retraite ; or, le plus souvent, ces œufs proviennent d’élevages en cage.
Les citoyens et l’industrie agroalimentaire convaincus
Un sondage (YouGov, 2018) indique que 90 % des Français sont favorables à l’interdiction de l’élevage en cage. Par ailleurs, le nombre croissant d’entreprises du secteur alimentaire engagées à cesser de s’approvisionner auprès d’élevages en batterie a conduit à un véritable tournant pour les élevages en France. C’est le cas de la quasi-totalité de la grande distribution, engagée à date butoir (2020 ou 2025), ainsi que de nombreuses entreprises de renom telles que Sodexo, Elior, Panzani, Pasquier, Flunch, Pierre Martinet, ou encore Nestlé. De nombreux producteurs comme Avril, l’Œuf de nos Villages, Terrena ou encore le géant des ovoproduits d’aucy se sont également engagés dans une transition vers 100 % d’élevages sans cage d’ici 2025.
L’élevage en cage perd du terrain en France
Bien qu’il soit encore majoritaire, l’élevage en cage des poules pondeuses recule année après année : il représentait en 2018 près de 58 % de la production française contre 81 % en 2008. Une chute qui semble s’accélérer puisque ce chiffre s’élevait encore à 63 % en 2017.
La pression de l’opinion publique, les engagements de nombreuses entreprises et les révélations faites par les associations poussent la filière à faire évoluer ses pratiques et à se détourner progressivement de l’élevage en cage.