Le 04/04/2019
Énième avis sur la question des abattoirs, aucune perspective concrète
Le Comité national d’éthique des abattoirs (CNEAb) a récemment publié un avis lénifiant dans lequel les propositions formulées correspondent à des mesures déjà bien identifiées, non contraignantes, sans aucun objectif chiffré ni aucune perspective de mise en œuvre. En matière d’abattoirs, l’action de l’État se borne aujourd’hui à des déclarations d’intention sans véritable politique d’amélioration des contrôles et des conditions de mise à mort des animaux, au grand dam des associations de défense des animaux.
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « La mise en place du CNEAb, énième instance de dialogue, ne débouche sur rien : le rapport reprend – partiellement – les mesures de la commission d’enquête présidée par M. Olivier Falorni en 2016. Plutôt qu’un organe permettant d’avancer, de donner des moyens de contrôle effectifs et de faire évoluer la législation, nous sommes de nouveau face à une instance dans laquelle les lobbies entravent toute avancée. L’objectif du gouvernement ne serait-il pas une fois de plus de tenter de rassurer les citoyens en donnant l’illusion qu’il prend en main le problème, alors qu’il n’en est rien ? »
Contacts presse :
Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66
Sylvain Dibiane : 06 59 97 26 84
Samuel Airaud : 06 01 78 17 09
La promesse d’une concertation
Les images filmées par L214 dans les abattoirs d’Alès et du Vigan ont abouti en mars 2016 à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, et conduit le ministre de l’Agriculture M. Stéphane Le Foll à ordonner des inspections montrant que 80 % des chaînes d’abattage présentaient des non-conformités. Ces initiatives avaient débouché sur une proposition de loi « relative au respect de l’animal en abattoir », adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. Le premier article de ce texte proposait la création d’un « Comité national d’éthique des abattoirs » destiné à débattre de « l’évolution de la législation et de la réglementation relatives à la protection animale en abattoir ». Une démarche offrant la promesse d’un dialogue ambitieux entre les parties prenantes, destiné à répondre aux souffrances des animaux dans les abattoirs.
Le Comité national d’éthique des abattoirs (CNEAb), finalement mis en place au sein du Conseil national de l’alimentation (CNA), avant la poursuite du processus législatif, se réunit depuis juin 2017, en l’absence de L214, délibérément exclue alors que le travail d’enquête de l’association en est à l’origine. Un avis visant à répondre aux enjeux relatifs à la mise à mort des animaux en abattoir a ainsi été adopté par le groupe de travail lors de la plénière du 7 février 2019. Ce document formule plus de 50 recommandations préconisant la diffusion de « bonnes pratiques », une « efficacité des contrôles », une « valorisation des qualifications professionnelles », un « aménagement des outils », une « information du consommateur » et de la « recherche », à travers des recommandations (structurées en « ambitions », « leviers » et « actions »).
Un rapport redondant et superficiel
Derrière les éléments de langage et la sémantique associée, l’avis rendu par le Comité national d’éthique des abattoirs est une version affaiblie du rapport de la commission d’enquête Falorni :
- retrait de nombreuses propositions formulées par la commission d’enquête, comme la mise en place du contrôle vidéo ou des mesures opérationnelles (agréments, modes d’emploi, entretien quotidien des sites…). Le groupe de travail, présidé par le député M. Olivier Falorni, avait pourtant trouvé un point d’équilibre et suscité l’approbation des organisations de défense des animaux ;
- absence de consensus entre l’État, les organisations de défense des animaux et les représentants des filières (annexe 1), notamment autour de certaines recommandations relatives à la transparence et à la « meilleure connaissance des outils d’abattage » (avec l’opposition des interprofessions) ou à l’obligation d’étourdissement (avec le refus du Consistoire) ;
- pas d’objectifs chiffrés : il est par exemple proposé d’« augmenter les effectifs de vétérinaires officiels (VO) et d’auxiliaires officiels (AO) » sans pour autant préciser les recrutements nécessaires, ni s’engager à systématiser la présence d’agents dédiés à la supervision des opérations d’amenée et de mise à mort des animaux ;
- pas de mesures contraignantes, il ne s’agit que de démarches volontaires (le terme récurrent « GBP » signifie « guide de bonnes pratiques ») ;
- une réflexion réduite au seul aspect réglementaire, alors qu’une réponse législative est indispensable ;
- absence de « garanties sur la mise en œuvre et le suivi » de ces recommandations, dénoncée par ailleurs dans un texte soumis par les organisations de défense des animaux participantes (annexe 6).
Ainsi, il existe un décalage considérable entre les espoirs suscités par la mise en place du Comité national d’éthique des abattoirs et le rendu superficiel du groupe de concertation. Le rapport n’apporte aucune nouvelle proposition pour faire véritablement appliquer la réglementation ou faire évoluer la législation. Les lobbies de l’élevage et de l’agroalimentaire seraient-ils à la manœuvre pour maintenir l’illusion du dialogue ?
L’action, plutôt que l’intention
Depuis les rencontres « Animal et société » de 2008, et au cours des nombreuses initiatives similaires, on assiste – comme en matière d’environnement – au développement d’un « animal welfare washing ». Tandis que les rapports se succèdent, les propositions antérieures semblent systématiquement être oubliées et les avancées concrètes continuent de se faire attendre. Il convient alors de s’interroger sur la pertinence d’engager un nouveau dialogue.
89 % des Français interrogés considèrent que la protection des animaux est une cause importante* : des actions concrètes doivent donc être engagées, en s’appuyant sur une information objective et une participation active des citoyens. La mise en place des mesures proposées lors des concertations antérieures constitue ainsi un préalable à tout nouveau plan d’action visant à prendre en compte la souffrance des animaux en abattoirs.
Contacts presse :
Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66
Sylvain Dibiane : 06 59 97 26 84
Samuel Airaud : 06 01 78 17 09
* Sondage Ifop pour le collectif AnimalPolitique (janvier 2019)
À propos de L214
L214 est une association de défense des animaux. Depuis ses débuts en 2008, elle a rendu publiques plus de 50 enquêtes révélant les conditions d’élevage, de transport et d’abattage des animaux. Ces vidéos ont permis de révéler les pratiques routinières et les dysfonctionnements d’une industrie qui considère et traite les animaux comme des marchandises.
Forte de 30 000 adhérents, suivie par plus de 700 000 personnes sur Facebook, L214 a notamment obtenu l’engagement de plus de 120 entreprises à renoncer aux œufs de poules élevées en cage et la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux. Participant activement au débat démocratique, L214 est régulièrement sollicitée par les médias pour son expertise, et revendique l’arrêt de la consommation des animaux et des autres pratiques qui leur nuisent.
Plus d’informations sur les sites internet de l’association :