Le 13/09/2018
Les 17 et 18 septembre 2018 pour juger 195 infractions
Les 17 et 18 septembre prochains au tribunal de grande instance de Pau se tiendra le procès de l’abattoir de Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques), dont l’association L214 avait révélé les images.
Tournées au mois de mars 2016, juste avant les fêtes de Pâques, ces images révélaient les pratiques de mise à mort des agneaux de lait ainsi que l’abattage de veaux et de bovins adultes, dans un abattoir certifié bio et qui met en avant le Label Rouge et l’IGP (indication géographique protégée). Elles montraient de multiples infractions aux règles de protection animale et des scènes de souffrance animale sévère, ainsi que de graves manquements et violences de la part du personnel de l’abattoir.
L214 avait notamment porté plainte contre l’abattoir auprès du Procureur de la République de Pau pour maltraitances, sévices graves et actes de cruauté. Après examen de l’ensemble des images fournies par L214 à la justice, 195 infractions ont été retenues par le Procureur pour engager des poursuites devant le tribunal correctionnel. C’est ce procès, qui mettra en cause la responsabilité pénale de l’abattoir, de son ancien directeur et de quatre de ses employés, qui s’ouvrira le lundi 17 septembre à 9 h.
Pour Brigitte Gothière, porte-parole de l’association : « Ces images ont été captées et diffusées pour rendre visible un système violent qui met à mort 3 millions d’animaux chaque jour en France. Elles ont aussi montré que la réglementation dans les abattoirs ne sert qu’à rassurer les consommateurs : elle n’y est même pas appliquée, aggravant encore les souffrances endurées par les animaux. Ce procès doit sanctionner les infractions mais aussi être l’occasion de nous interroger sur notre responsabilité collective, sur la légitimité de continuer à tuer des animaux. »
Mauléon-Licharre : rappel des faits
Après Alès et Le Vigan, ce sont des images de l’abattoir de Mauléon-Licharre, dans les Pyrénées-Atlantiques, que dévoilait l’association L214 en mars 2016. Sur cette période, près de 11 000 agneaux étaient abattus pour les fêtes de Pâques. Dans cet abattoir, pourtant certifié bio, Label Rouge et IGP, on pouvait observer de nombreuses infractions aux règles de protection animale ainsi que des actes de maltraitance : animaux frappés au crochet, étourdis à plusieurs reprises, saignés tardivement ou égorgés en pleine conscience…
Pour l’association L214, l’audience de Mauléon sera l’occasion de faire reconnaître la responsabilité de l’abattoir et de mettre en lumière l’inaction de l’État et des services vétérinaires.
Sans vidéo, pas de procès
Ce procès a lieu grâce aux preuves que constituent les vidéos révélées par L214. L’enquête préliminaire, sous la conduite du Procureur de la République et menée par les services de gendarmerie, a dénombré 195 infractions, parmi lesquelles :
– des mauvais traitements (animaux tirés par les oreilles ou par la toison, usage de l’aiguillon électrique, coups de pied, coups de crochet sur la tête pour assommer, agneau lancé, agneau écartelé) ;
– des pratiques qui accentuent la souffrance des animaux au moment de leur mise à mort (étourdissements ratés, saignées tardives, absence de vérification de l’inconscience avant la saignée, animaux saignés conscients) ;
– des structures défaillantes (piège des bovins inadapté pour les veaux, matériel d’étourdissement défaillant) ;
– tromperie du consommateur (utilisation de l’aiguillon électrique sur les animaux, proscrite dans les cahiers des charges des labels mis en avant par l’abattoir).
En 2016, à la suite des vidéos diffusées par L214 concernant les abattoirs d’Alès, Le Vigan et Mauléon, le Ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll avait ordonné un audit dans tous les abattoirs français. Les résultats étaient sans appel : 80% de chaînes d’abattage présentent des non-conformités. Ces visites avaient entraîné l’arrêt de plusieurs chaînes d’abattage. Aucun procès ne viendra toutefois sanctionner ces infractions et les souffrances qu’elles ont générées pour les animaux.
Les seuls procès qui ont lieu s’appuient sur des vidéos diffusées par L214. Le contrôle vidéo, déjà porté par le député Olivier Falorni, permettrait que des abattoirs puissent être mis face à leurs responsabilités. 85% des Français sont favorables à cette mesure. Emmanuel Macron s’était d’ailleurs engagé à la rendre obligatoire lors de la campagne présidentielle. Pourtant, c’est un amendement « poudre aux yeux » qui a été voté par les parlementaires sous l’impulsion du gouvernement en mai 2018 : le contrôle vidéo pourra être mis en place dans les abattoirs à titre expérimental et sur la base du volontariat…
Standard, bio, Label Rouge, IGP : mêmes conditions de mise à mort
La viande des agneaux de lait des Pyrénées Axuria abattus à l’abattoir de Mauléon était encensée par de grandes tables parisiennes et des chefs étoilés. Le boucher-star Yves-Marie Le Bourdonnec, réputé « carnivore responsable », proposait cette viande de novembre à avril, tandis qu’Alain Ducasse a célébré cette filière en 2015, mettant la viande de ces agneaux à la carte de son restaurant le Relais Plaza.
Quels que soient les modes d’élevage, quels que soient les labels, les méthodes de mise à mort sont exactement les mêmes et génératrices de souffrances intenses pour les animaux.
Mauléon et les autres, un problème de société
On demande l’impossible aux ouvriers d’abattoir : tuer avec douceur et respect des êtres qui ne veulent pas mourir, qui résistent autant qu’ils le peuvent. Si les ouvriers doivent répondre de leurs actes, ils n’ont pas à porter la responsabilité de ce système violent. Les différentes enquêtes menées par ailleurs ont montré que la violence des abattoirs s’exerce aussi sur eux.
En marge de ce procès, ce qui doit être interrogé, c’est notre responsabilité collective en tant que société qui fait naître, exploite et tue chaque jour sans nécessité 3 millions d’êtres sensibles.