Abattoir de Pézenas : non, les images ne sont pas obsolètes

Abattoirs de Pézenas et Mercantour

Mise au point de L214

Le ministre de l’Agriculture
Stéphane Le Foll et la préfecture de l’Hérault ont affirmé ces derniers jours que les images révélées par L214 le 29 juin dernier, montrant les pratiques d’abattage à l’abattoir de Pézenas, étaient obsolètes.

L214 réaffirme que les scènes présentées sur la vidéo, ainsi que sur vidéos annexes diffusées sur son site internet, ont été tournées aux dates indiquées, soit avant et après l’inspection nationale mandatée par Stéphane Le Foll en avril 2016. Comme vérifiable dans son communiqué du 29 juin, à aucun moment L214 n’a affirmé que l’ensemble des images ont été tournées après cette inspection.

Ce jour, L214 publie une nouvelle vidéo de deux scènes tournées en mai et qui montrent encore de graves défaillances dans le fonctionnement de l’abattoir de Pézenas :


abattoir de Pézenas mai 2016

Des scènes tournées après l’inspection

Contrairement à ce qu’a affirmé la direction départementale de la protection des populations (DDPP), toutes les pratiques non-conformes visibles sur les vidéos n’avaient pas été réglées. Des scènes filmées en mai 2016, après l’inspection du mois d’avril, montrent notamment un cheval mal étourdi : il est assommé 3 fois, et respire encore alors qu’il est suspendu. L’immobilisation est relâchée après le 2eme coup bien que le cheval tienne encore debout. La scène dure 1’45 min. L’absence de respiration rythmée est un élément critique devant être contrôlé pour s’assurer de la perte de conscience. Les images de mai montrent également un bovin abattu sans étourdissement respirant encore lorsque l’immobilisation est relâchée. Cette pratique est interdite et l’opérateur aurait dû contrôler l’état de conscience de l’animal.

Ces scènes sont visibles sur cet extrait vidéo.

Lors de sa visite dans le cadre de la mission d’enquête parlementaire le 17 mai dernier, le député Elie Aboud avait notamment observé le déroulement de l’abattage des moutons. La scène filmée par le Midi Libre (voir à 1’30 de la vidéo) montrait les moutons ayant pleine vue sur leurs congénères suspendus sur la chaîne d’abattage.

Un employé retiré du poste d’abattage après la vidéo

Par ailleurs, suite à la conférence de presse donnée cette semaine par la préfecture de l’Hérault, on apprend que l’employé filmé en train de crever l’oeil d’un mouton avec son couteau, a été retiré du poste d’abattage après la diffusion des images (source Midi Libre). Son comportement clairement problématique n’avait pas été repéré avant le scandale suscité par la vidéo.

Avant avril 2016, l’abattoir était déjà tenu d’appliquer la loi

L214 tient à rappeler :

  • que les règles actuelles de “protection animale” s’appliquent aux abattoirs depuis le 1er janvier 2013 (règlement EC 1099/2009), et non depuis les inspections d’avril, et qu’un étourdissement “en toutes circonstances immédiatement efficace” des animaux est exigé par la réglementation depuis 1964.
  • que l’ensemble des scènes de l’abattoir de Pézenas ont été tournées après le scandale de l’abattoir d’Alès en novembre 2015. Le ministre de l’Agriculture avait alors affirmé faire preuve d’une “fermeté totale” pour “faire respecter le bien-être animal”, et demandé à tous les préfets d’assurer les contrôles nécessaires.
  • que l’activité des abattoirs est placée sur le contrôle quotidien d’un vétérinaire officiel représentant de l’État présent dans l’abattoir (2 techniciens et un vétérinaire pour l’abattoir de Pézenas) et chargé de faire respecter les normes de protection animale. Ce que les services de la préfecture n’ont pas su détecter par le passé serait maintenant définitivement réglé ? Il est permis d’en douter.

L214 a donc dénoncé l’existence de défaillances graves et prolongées au sein de l’abattoir de Pézenas, clairement passibles de sanctions. Les mesures correctives ordonnées ces dernières semaines, notamment grâce aux contrôles mandatés suite aux alertes de L214 sur les abattoirs d’Alès, du Vigan et de Mauléon, ne sauraient invalider les manquements inexcusables constatables sur les vidéos, et qu’il est du devoir de L214 de porter à la connaissance de chaque citoyen.

Rappel : en 2016, les inspections officielles ont confirmé de graves manquements à l’abattoir de Pézenas

Les inspections ponctuelles (et attendues par l’abattoir) ne sauraient dresser un inventaire exhaustif des pratiques routinières d’un abattoir. Malgré ce biais, dans les rapports d’inspections réalisés les 22 avril et 13 mai derniers, plusieurs points confirment l’existence de problèmes :

Inspection du 22 avril :

  • (Chevaux) “Par deux fois, l’opérateur a estimé nécessaire de procéder à un nouvel étourdissement après affalage et avant hissage”
  • (Porcs) “Lors de son utilisation, la puissance délivrée à la sortie de la pince paraît insuffisante pour un étourdissement efficace et contraint l’opérateur à renouveler plusieurs fois son geste.”
  • “l’aspiration du sang par le trocard est déficiente occasionnant une saignée retardée, le tuyau fendu n’ayant pas été remplacé.”
  • “Le jour du contrôle, deux porcs parviennent à sortir le train avant du piège. La conception du piège n’est pas adaptée. »
  • « Déficience de l’opérateur en poste justifiant de son remplacement immédiat. » »
  • « [[…]]usage systématique et répété de l’aiguillon électrique lors de la conduite au piège alors que les animaux sont initialement calmes, mauvaise application de la pince à électronarcose sur la tête et usage répété. »
  • “La saignée est retardée par le dysfonctionnement du trocard et de l’aspiration du sang. Le jour du contrôle, un porc présente encore une respiration rythmique après la saignée retardant son échaudage”

Inspection du 13 mai :

  • “Lors de la contention des chevaux à l’intérieur du piège par une adaptation des parois latérales au gabarit du cheval, les chevaux présentent un épisode de stress pendant deux trois minutes, au contact des parois sur les membres.”
  • “ en cas de doute mise en oeuvre immédiate d’un second étourdissement, ce qui c’est révélé le cas pour 4 des 25 chevaux ce matin. »
    -> soit 16% d’étourdissements ratés. L’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qualifie plus de 10% d’échecs de « problèmes graves« (page 14). La DDPP a quant à elle, estimé la situation comme conforme, lui attribuant la meilleure note, A.

Inspection du 30 juin (après publication des vidéos par L214) :

« [[…]] un ré-étourdissement a été demandé par les inspecteurs sur un agneau en reprise de conscience que l’agent s’apprêtait à saigner sans ré-emploi de la pince à électronarcose. »