Ce mardi 8 mars, le couvoir finistérien Saint-François et son dirigeant ont été condamnés à 15 500 et 3 500 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Brest pour mauvais traitements envers des animaux.
Cette condamnation fait suite aux images filmées par un ancien employé et révélées en novembre 2014 par l’association L214. On y voyait des poussins jetés dans une vis sans fin qui les déchiquetait vivants, ou étouffés par centaines dans des sacs poubelle. L214 avait alors porté plainte pour cruauté envers les animaux.
Le procès, dont l’audience s’est tenue le 2 février dernier, a révélé que ces deux méthodes employées pour tuer les poussins sont illégales et entraînent “une souffrance animale certaine”, selon la brigade nationale d’enquête vétérinaire et phytosanitaire.
Pour Brigitte Gothière, porte-parole de L214 : “La reconnaissance d’une maltraitance au sein d’une entreprise industrielle d’élevage est une véritable avancée, tant ces pratiques ayant lieu à huis clos bénéficient habituellement d’une tolérance dès qu’ils s’agit d’animaux dits de rente. Mais tant que nos habitudes alimentaires ne changeront pas, des poussins continueront d’être broyés par milliers : la tuerie qui ne se passe plus dans ce couvoir a lieu dans le couvoir d’à côté.”
L214 “irrecevable” : une absurdité du Code pénal
Bien que les agissements du couvoir aient été condamnés, comme le Procureur l’avait requis, le tribunal a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de L214.
Cette situation paradoxale, alors même que L214 est à l’origine des poursuites et des condamnations prononcées contre le couvoir et son gérant, est la conséquence d’une lacune du Code de procédure pénale. En effet, alors que l’article 2-13 du code de procédure pénale permet aux associations de protection animale de plus de cinq années d’existence de se constituer partie civile pour les infractions commises à l’encontre d’animaux, cela ne concerne que certaines infractions du code pénal (sévices graves, actes de cruauté). Si les actes relèvent d’autres Codes (le Code rural par exemple), les associations sont irrecevables. Or, en ce qui concerne l’élevage, le transport ou l’abattage des animaux, la plupart des actes de mauvais traitements sont condamnés par le Code rural.
Dans le cas du couvoir Saint-François, les fautes relevant du Code rural, les associations n’ont pas de la possibilité de faire valoir devant les tribunaux les souffrances endurées par les animaux.
Les procédures à l’encontre des abattoirs d’Alès et du Vigan pourraient se heurter en partie à cette même incohérence juridique.
L214 se tournera prochainement vers le législateur en vue d’obtenir une réforme du Code de procédure pénale tendant à étendre la recevabilité des associations de protection animale à se constituer partie civile à l’encontre de toutes les infractions commises à l’encontre des animaux.
L’Etat financera une méthode pour éviter le broyage
En septembre 2015, L214 avait remis au ministère de l’Agriculture une pétition de plus de 120 000 signataires pour demander l’interdiction du broyage des poussins dans les couvoirs. Au Salon de l’Agriculture, Stéphane le Foll a annoncé le financement (à hauteur de 4,3 millions d’euros) du développement d’une méthode de sélection du sexe des poussins dans l’oeuf. Cette méthode aurait pour objectif d’éviter le sacrifice de masse actuellement pratiqué par les couvoirs sur les poussins mâles dans la filière poules pondeuses et sur les canetons femelles dans la filière foie gras. Un prototype devrait voir le jour en 2017, en vue d’une future utilisation par l’industrie.
Précisions sur la légalité du broyage des poussins :
Le broyage des poussins constitue une méthode autorisée par la réglementation – de fait, cette pratique n’a pas fait l’objet de charges de poursuites à l’encontre du couvoir Saint-François. En général, il s’agit de deux rouleaux tournant côte à côte à grande vitesse, sur lesquels les poussins vivants sont déversés. Ils en ressortent compressés, et théoriquement, morts (mais une autre enquête de L214 dans un couvoir des Pays-de-la-Loire montre que des animaux écrasés remuent encore à la sortie de la machine). Cette pratique est commune à la plupart des couvoirs en France (le gazage au CO2 est aussi possible), quelle que soit la filière qu’ils approvisionnent : standard, label ou bio. Au couvoir Saint-François, cette machine était souvent rangée et inutilisée. Les poussins vivants passaient donc directement à l’étape suivante : jetés dans un tuyau où tourne une vis sans fin, dans laquelle ils pouvaient agoniser longuement.
Pourquoi des poussins sont tués dans les couvoirs ?
Poules pondeuses et poulets de chair actuels sont issus d’une sélection génétique de l’industrie visant d’un côté le meilleur taux de ponte, de l’autre la croissance musculaire la plus rapide. Ainsi, ces deux espèces sont très différenciées et les poussins mâles de race « pondeuse », non rentables, sont systématiquement tués – quel que soit le mode d’élevage, plein air et bio compris. En France, 7 couvoirs ont fait éclore 54 millions de poulettes en 2013. Environ autant de poussins mâles ont été tués le premier jour de leur vie.
Une partie des poussins « de chair » sont également triés selon leur sexe et tués dans les couvoirs suivant les demandes des élevages, tout comme les poussins invendus ou jugés non conformes.