Restauration scolaire : 5 associations déposent un recours devant le Conseil d’Etat

Un décret et un arrêté du 30 septembre 2011 (1) ont rendu obligatoire dans la restauration scolaire le modèle de forte consommation de produits d’origine animale qui prévaut dans les pays riches depuis quelques décennies. Ces textes privent de toute alternative les usagers qui se font un devoir de réduire leur consommation de tels produits et ceux qui les refusent par conviction éthique. Cette démarche est clairement motivée par le soutien sans faille du gouvernement aux filières de la pêche et de l’élevage industriels, quel qu’en soit le coût en termes de misère humaine, de souffrance animale, de dégâts environnementaux, de santé publique ou d’atteinte aux libertés fondamentales.

Le Président de la République accuse de « sectarisme » ceux qui prennent ces questions au sérieux (2). En attendant que le gouvernement revienne à la raison, cinq associations ont déposé un recours en annulation devant le Conseil d’Etat, arguant de l’illégalité de cette réglementation.

Presse :
Isabelle Dudouet-Bercegeay (AVF) : 06 61 16 02 33
Brigitte Gothière (L214) : 06 20 03 32 66

Par le décret et l’arrêté « restauration scolaire » du 30 septembre 2011, le gouvernement s’est arrogé la prérogative de déterminer la composition détaillée des menus servis dans les cantines scolaire, imposant notamment la présence d’un produit laitier à chaque repas, et le recours exclusif aux protéines animales (viande, poisson, fromage ou œufs) dans le plat principal de chaque menu.

En amont de la promulgation du décret et de l’arrêté, des associations avaient attiré l’attention du gouvernement sur le caractère inacceptable des textes en préparation (3). Depuis leur entrée en vigueur, des élus, collectifs et associations se sont mobilisés pour exiger leur abrogation. Une pétition internationale a recueilli de nombreuses signatures à l’étranger. La semaine dernière, Paul McCartney a publiquement critiqué la décision du gouvernement français (voir encadré).

→ Consulter le dossier et la revue de presse

Paul McCartney

« Le récent décret du gouvernement français qui rend obligatoire la consommation de produits d’origine animale dans les institutions publiques est un retour en arrière pour la France. Il viole la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en privant les individus du droit d’exprimer leurs convictions. »

« Personne n’a besoin de manger des animaux et nous pouvons lutter contre le changement climatique et réduire le risque de souffrir de maladies cardio-vasculaires et d’autres affections en réduisant notre consommation de viande. »

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Le 2 décembre 2011, l’Association Végétarienne de France, One Voice, Ecologie Sans Frontière, L214 et la Société Végane ont déposé un recours en annulation devant le Conseil d’Etat. Parmi les motifs invoqués : la violation de la liberté de conscience, la non durabilité du modèle alimentaire imposé, et l’incompétence du pouvoir réglementaire.

Violation de la liberté de conscience

L’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dispose que :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé [[…]].

Par le décret et l’arrêté « restauration scolaire », le gouvernement viole la liberté de conscience des personnes végétariennes par conviction éthique, en les contraignant soit à consommer des aliments contraires à leurs convictions, soit à se contenter de repas insuffisants et carencés, puisqu’elles n’ont d’autre choix que d’écarter les aliments qu’elles ne peuvent consommer en conscience.

Les communes qui ont déjà mis en place une offre de menus alternatifs végétariens ou sans viande, dans le respect des convictions de certains usagers, se trouvent paradoxalement en infraction du fait de la réglementation récemment entrée en vigueur.

Un modèle alimentaire non durable

L’article L. 230-1 du code rural dispose que la « politique publique de l’alimentation vise à assurer à la population l’accès, dans des conditions économiquement acceptables par tous, à une alimentation [[…]] produite dans des conditions durables. »

Malgré ces exigences, le gouvernement impose un modèle alimentaire fondé sur une forte consommation de produits d’origine animale : un modèle égoïste qui accapare une part démesurée des ressources agricoles mondiales alors que près d’un milliard de personnes souffrent de la faim, un modèle au coût effroyable en termes de souffrance animale, un modèle destructeur pour l’environnement.

→ Plus d’informations sur viande.info

Les responsables de restaurants scolaires qui, dans un souci de développement durable, mettent en place des menus bio, et réduisent parallèlement la fréquence de service des produits d’origine animale, se trouvent paradoxalement en infraction depuis le 30 septembre dernier.

L’impossible confusion entre « nutriment » et « aliment »

L’article L. 230-5 du code rural dispose que « Les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire [[…]] sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent [[…]]. »

Plusieurs textes réglementaires indiquent que par « qualité nutritionnelle », il faut entendre des apports, en quantités adaptées aux besoins, de divers nutriments (glucides, lipides, protéines, etc.). Ces apports peuvent être garantis par une multitude de combinaisons d’aliments, notamment par des proportions très variables d’aliments d’origine végétale et animale. Dans ces conditions, fixer une liste de nutriments requis est bien différent d’imposer une liste d’aliments. Le gouvernement a confondu contrôle de la qualité nutritionnelle des repas et garantie des débouchés des filières de productions animales.

Le mode de consommation alimentaire, et le modèle de production qui lui est associé, sont un enjeu décisif pour l’avenir de la planète et de ses habitants. Parce que le décret et l’arrêté « restauration scolaire » interdisent la nécessaire évolution vers une alimentation responsable et solidaire, des associations et des citoyens ont choisi de se mobiliser contre ces textes.


1. Copie du Journal Officiel

2. « Devant les agriculteurs, Sarkozy charge le sectarisme des Verts », LeParisien.fr, 29-11-2011.
3. Courrier d’AVF aux membres du gouvernement du 1er août 2011, courrier de L214 au Président de la République et au Premier Ministre du 2 septembre 2011.