La restauration scolaire mise au service de l’agroalimentaire

Ou comment l’État impose l’hyper-consommation de produits d’origine animale

Un décret et un arrêté publiés le 30 septembre 2011 réglementent la restauration scolaire. L’arrêté suit la recommandation du Groupement d’Étude des Marchés de la Restauration Collective et de la Nutrition (GEMRCN1) et impose, à hautes doses, la présence de produits d’origine animale dans les menus.

Sous couvert de santé publique, cet arrêté laisse entendre que
calcium = produit laitier,
protéines = protéines animales,
fer et oligoéléments = viande ou poissons,
ce qui est une intox nutritionnelle.

Rien d’étonnant puisque le GEMRCN compte parmi ses membres de nombreux représentants de puissantes industries agroalimentaires dont la vocation naturelle est de placer au mieux leurs produits.

De plus, si les règles régissant la restauration collective doivent prendre en compte les questions nutritionnelles, elles doivent également se soucier de l’ensemble des aspects liés à l’alimentation : environnement, équité dans le partage des ressources, souffrance animale, santé publique et liberté de conscience.

C’est pourquoi, nous sommes en train d’examiner les voies de recours possible contre un arrêté et un décret que nous jugeons inacceptables.

Un sujet d’importance

  • La restauration collective s’adresse à de très nombreux usagers captifs (beaucoup d’élèves n’ont pas la possibilité de rentrer chez eux pour le repas de midi).
  • Les normes édictées ont vocation à former les habitudes alimentaires des jeunes, et à servir de modèle pour l’alimentation des Français en général.

Quelles normes ?

L’arrêté du 30 septembre s’appuie sur la recommandation du Groupement d’Étude des Marchés de la Restauration Collective et de la Nutrition (GEMRCN), un organisme qui compte parmi ses membres de nombreux représentants des industries agroalimentaires (l’Association Nationale des Industries Agro-alimentaires, le Centre d’Information des Viandes, le Syndicat des entreprises françaises des viandes (SNIV-SNCP), Nestlé, etc.)
Au lieu d’indiquer les apports nécessaires en divers types de nutriments et d’indiquer les divers moyens de les satisfaire, l’arrêté fixe des normes en termes de produits. Il impose notamment des seuils minimum de viande de bœuf, veau et agneau, de poisson et de produits laitiers, ces derniers étant obligatoires dans chaque menu. L’article 1 de l’arrêté indique que chaque menu doit comprendre un plat principal, dont il est précisé en annexe qu’il s’agit du plat proditique « plat principal à base de viandes, poissons, œufs, abats ou fromages. ».

Intox nutritionnelle

Dans cette réglementation, il n’est fait mention nulle part du fait que les besoins nutritionnels en protéines et autres nutriments peuvent être satisfaits de manière alternative par des produits d’origine végétale (à la différence de ce qu’indique le PNNS belge par exemple).

Elle impose les produits laitiers comme source unique de calcium. Pire encore, le décret impose un produit laitier par repas, au même titre que l’entrée et le plat principal. Elle véhicule ainsi deux idées fausses :

  • seuls les produits laitiers sont sources de calcium
  • les produits laitiers sont indispensables

De même, le plat protidique se décline exclusivement en produits d’origine animale, occultant le fait incontestable que nos besoins en protéines peuvent être pleinement satisfaits par des produits végétaux.

Si l’on avait voulu entretenir la croyance fausse selon laquelle les produits d’origine animale sont indispensables à la santé, en un temps où l’on sent qu’elle se fragilise, on ne s’y serait pas pris autrement.

Et la liberté de conviction ?

L’article L.230-1 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 dit : « La politique publique de l’alimentation vise à assurer à la population l’accès, dans des conditions économiquement acceptables par tous, à une alimentation sûre, diversifiée, en quantité suffisante, de bonne qualité gustative et nutritionnelle, produite dans des conditions durables. Elle vise à offrir à chacun les conditions du choix de son alimentation en fonction de ses souhaits, de ses contraintes et de ses besoins nutritionnels, pour son bien-être et sa santé. »

Où est le respect du choix des usagers qui refusent de consommer des produits d’origine animale pour raisons éthiques dans l’arrêté et le décret 30 septembre ? Si l’on refuse de manger de la viande ou du poisson, sera-t-on condamné à manger déséquilibré à la cantine ?

Pourquoi s’alarmer ?

Cette réglementation de la restauration scolaire est inacceptable. Elle érigerait en norme un modèle alimentaire fondé sur une hyper-consommation de produits d’origine animale : un modèle égoïste qui accapare une part démesurée des ressources agricoles alors que près d’un milliard de personnes souffrent de la faim, un modèle au coût effroyable en termes de souffrance animale, un modèle destructeur pour l’environnement.

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Un pas de plus dans la mauvaise direction

En réalité, le mal est déjà largement fait. Le dispositif qui fait de la recommandation du GEMRCN le document de référence pour la restauration collective est déjà en place. Pour autant, l’acte politique consistant à rendre obligatoire un modèle alimentaire désastreux n’a rien d’innocent. Il importe symboliquement. Et il importe en pratique : cet arrêté est un moyen de verrouiller le système établi et d’empêcher les évolutions nécessaires. De plus, la réglementation de la restauration scolaire n’est que la première phase d’une stratégie gouvernementale qui assurera durablement d’abondants débouchés aux filières de productions animales : on sait d’ors et déjà que des normes similaires vont être édictées pour les établissements hospitaliers, les prisons, les maisons de retraite et le portage de repas à domicile.

Parce que la restauration collective publique doit être exemplaire d’une alimentation responsable et solidaire, nous ne voulons pas de ce décret et de cet arrêté.

1. GEMRCN, Recommandation nutrition, version actualisée du 15 juin 2011.

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