La restauration collective aux ordres de l’agroalimentaire
Ou comment l’État impose la (sur)consommation de produits d’origine animale
Des décrets en préparation vont réglementer la restauration collective1. Ces décrets basés sur la recommandation du Groupement d’Étude des Marchés de la Restauration Collective et de la Nutrition (GEMRCN2) imposeraient, à hautes doses, la présence de produits d’origine animale dans les menus.
Rien d’étonnant, le GEMRCN compte parmi ses membres de nombreux représentants des industries agroalimentaires comme l’Association Nationale des Industries Agro-alimentaires, le Syndicat des entreprises françaises des viandes (SNIV- SNCP), Nestlé… dont la vocation naturelle est de placer au mieux leurs produits.
Les règles régissant la restauration collective devraient prendre en compte les questions nutritionnelles et également l’ensemble des aspects liés à l’alimentation : environnement, équité dans le partage des ressources, souffrance animale, santé publique et liberté de conscience.
L’association L214, coordinatrice de viande.info, a adressé un courrier au Président de la République et au Premier Ministre leur demandant de renoncer à promulguer des décrets qui imposeraient une vision étriquée et néfaste de l’alimentation à l’opposé d’une approche globale, pourtant indispensable.
Un sujet d’importance
- La restauration collective s’adresse à de très nombreux usagers captifs (public scolaire, personnes hospitalisées ou en maison de retraite, détenus…).
- Les normes édictées ont vocation à former les habitudes alimentaires des jeunes, et à servir de modèle pour l’alimentation des Français en général.
Quelles normes ?
Selon toute probabilité, les décrets en préparation reprendront la recommandation du Groupement d’Étude des Marchés de la Restauration Collective et de la Nutrition (GEMRCN), un organisme qui compte parmi ses membres de nombreux représentants des industries agroalimentaires.
Au lieu d’indiquer les apports nécessaires en divers types de nutriments et d’indiquer les divers moyens de les satisfaire, la recommandation du GEMRCN fixe des normes en termes de produits. Elle impose notamment des seuils minimum de viande de bœuf, veau et agneau, de poisson et de produits laitiers3. À de rares exceptions près, le document du GEMRCN assimile le « plat protidique » (qui doit figurer à chaque menu) à un apport de protéines animales (viande, poisson, œufs, abats, charcuterie).
Pourquoi s’alarmer ?
Une réglementation de la restauration collective publique fondée sur la recommandation du GEMRCN serait inacceptable :
- Elle constituerait une violation de la liberté de conscience. En effet, elle interdirait aux responsables de la restauration collective publique d’offrir des repas végétariens aux usagers qui refusent l’alimentation carnée en collectivité, soit parce qu’ils sont végétariens par conviction éthique, soit parce qu’ils ne veulent pas de produits animaux non halal ou non casher par conviction religieuse.
- Elle érigerait en norme un modèle alimentaire fondé sur la surconsommation de produits d’origine animale : un modèle égoïste qui accapare une part démesurée des ressources agricoles alors que près d’un milliard de personnes souffrent de la faim, un modèle au coût effroyable en termes de souffrance animale, un modèle désastreux pour l’environnement.
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Un pas de plus dans la mauvaise direction
En réalité, le mal est déjà largement fait. Le dispositif qui fait de la recommandation du GEMRCN le document de référence pour la restauration collective est déjà en place. Pour autant, l’acte politique consistant à rendre obligatoire un modèle alimentaire désastreux n’a rien d’innocent. Il importe symboliquement. Et il importe en pratique : les décrets sont un moyen de verrouiller le système en place et d’empêcher les évolutions nécessaires.
1. Selon une réponse à une question parlementaire publiée au J.O. le 30 août 2011, les textes sont en cours de signature. Voir également la réponse à une question parlementaire publiée au J.O. le 30 novembre 2010.
2. GEMRCN, Recommandation nutrition, version actualisée du 15 juin 2011.
3. Voir annexes 3, 4 et 5 de la recommandation précitée. Par exemple, les produits laitiers seraient obligatoires dans 18 menus sur 20 dans la restauration scolaire.
Presse :
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