Les moutons ont été domestiqués il y a plus de 10 000 ans. Les études d’éthologie montrent que ce sont des animaux extrêmement intelligents, avec des vies sociales, mentales et émotionnelles riches et complexes. Entre autres faits fascinants, des brebis peuvent tomber amoureuses de béliers, avoir de meilleures amies ou encore être dévastées quand un de leurs proches meurt ou est envoyé à l’abattoir.
L'univers sensoriel des moutons
En tant qu’animaux de proie, les moutons ont des sens très développés et performants qui, dans la nature, leur permettent de maximiser leurs chances de survie.
Les moutons ont une très bonne vue périphérique qui leur permet de voir derrière eux sans même tourner la tête ! En revanche, ils perçoivent assez mal la profondeur de champ et voient moins bien ce qui se trouve près de leurs yeux. Ils perçoivent également les couleurs, mais cette capacité est toutefois moins développée que chez les humains.
Les moutons ont une excellente ouïe et peuvent orienter leurs oreilles en direction des sons qu’ils entendent. Les bruits aigus et forts ont tendance à leur faire peur.
L’odorat des moutons est également très développé. Ils sont notamment très sensibles aux différences d’odeur entre prédateurs. Les béliers utilisent leur odorat en période de reproduction, et les brebis l’utilisent pour localiser leurs petits.
Le goût semble moins développé que les autres sens chez les moutons. Ceux-ci sont néanmoins capables de différencier divers aliments et ont certaines préférences en termes de nourriture. Les moutons seraient même capables de distinguer différentes familles de plantes, de les classer et de les utiliser à des fins thérapeutiques !
Le corps des moutons étant largement couvert d’une épaisse toison, seuls le nez, le museau et probablement les oreilles se prêtent à des comportements impliquant le sens du toucher. Ce dernier est important pour les interactions entre les individus : les agneaux recherchent par exemple le contact avec leur mère.
La vie sociale chez les moutons
Les moutons sont des animaux très sociaux et grégaires : ils vivent en groupes, un moyen de se protéger contre les prédateurs. À l’état sauvage, la taille de ces groupes peut grandement varier selon les espèces, allant de petits groupes isolés à des troupeaux de plusieurs centaines d’individus !
Le plus souvent chez les moutons, les mâles et les femelles vivent séparés : les brebis et leurs agneaux d’un côté, et les béliers d’un autre. Les femelles sont en général menées par la brebis la plus âgée et respectent une hiérarchie très linéaire. Les agnelles (les jeunes brebis) restent très proches de leur mère au moins jusqu’à ce qu’elles aient leurs propres petits.
Les mâles rejoignent le troupeau de brebis au moment de la reproduction. Il peut alors y avoir de la concurrence entre les béliers, ce qui donne lieu à des conflits et des affrontements. Cependant, on observe des comportements de réconciliation chez les béliers pendant ou après les combats, mais aussi en anticipation de ceux-ci, avant que les mâles ne rejoignent le groupe de brebis ! Il se pourrait d’ailleurs que ces démonstrations de force entre les béliers ne soient pas qu’une question de hiérarchie, mais aussi une façon d’attirer les femelles.
Chez les mâles comme chez les femelles, on observe des relations amicales fortes, bien que leurs manifestations soient souvent discrètes. Deux moutons amis restent souvent proches l’un de l’autre pendant leurs activités, telles que le pâturage, le repos ou encore les déplacements. Il arrive aussi qu’on les voie se donner de petits coups, se frotter, se renifler ou se lécher.
Des capacités cognitives impressionnantes
« Les moutons sont très intelligents. Bien plus intelligents que ce qu’on a pu penser. Sur des tâches comparables, leurs performances sont équivalentes à celles d’un singe. »
Jenny Morton, neurobiologiste
Les moutons sont capables de mémoriser au moins 50 moutons différents à leur visage et cela pendant au moins deux ans. Ils savent aussi reconnaître des visages humains et utilisent le même système cérébral que nous, humains, utilisons lorsque nous faisons un exercice mental similaire. Cette capacité à reconnaître des visages est évidemment importante pour leur vie sociale, et on observe que lorsqu’un mouton est placé dans un environnement stressant (par exemple s’il se retrouve dans un groupe de moutons qu’il ne connaît pas), un moyen de l’apaiser est de lui montrer les visages de moutons qu’il connaît !
Mais les capacités cognitives des moutons ne s’arrêtent pas à la reconnaissance faciale. S’ils sont capables d’apprentissage et ont une bonne mémoire, notamment spatiale, ils savent également reconnaître des humains à partir d’autres indices tels que leurs vêtements ou leurs cheveux, et ils peuvent aussi distinguer diverses émotions. Il est également très probable que les moutons puissent penser aux absents.
Générales
- Schoenian S. (Sheep & Goat Specialist at the University of Maryland's Western Maryland Research & Education Center). Sheep 101, sheep101.info.
- Marino L., Merskin D., 2019. « Intelligence, complexity, and individuality in sheep », Animal Sentience, 206, 2019.
- Ramseyer A., « Les ovins », ar-etho.fr.
- Leake J., 2005. « How was it for ewe? Sheep love lives revealed », The Times, 13 mars 2005.
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Sur l’automédication
- Villalba J., « Sheep self-medicate when challenged with illness-inducing foods », Animal Behaviour, 71 (5), mai 2006, p. 1131-1139.
Sur la reconnaissance faciale
- Kendrick K. M. et al., 2001. « Sheep don’t forget a face », Nature, n° 414, 2001, p. 165-166.
- Knolle F. et al., 2017. « Sheep recognize familiar and unfamiliar human faces from two-dimensional images », Royal Society Open Science, 4 (11), novembre 2017.
- Towler A. et al., 2019. « Are face recognition abilities in humans and sheep really “comparable”? », Royal Society Open Science, 6 (1), janvier 2019.
- Kendrick K. M., 2019. « Response to “Sheep recognize familiar and unfamiliar human faces from two-dimensional images” », Royal Society Open Science, 6 (5), mai 2019.
Sur la mémoire spatiale et la capacité d’apprentissage
- Lee C. et al., 2006. « Development of a maze test and its application to assess spatial learning and memory in Merino sheep », Applied Animal Behaviour Science, 96 (1-2), janvier 2006, p. 43-51.