Consommation massive d’antibiotiques
Dans les élevages intensifs, des quantités faramineuses d’antibiotiques sont utilisées comme palliatifs de conditions d’élevage (fortes densités, environnement appauvri, faible variabilité génétique) qui favorisent l’apparition et le développement de maladies.
En 2018 en France, 38 % des antibiotiques consommés l’ont été par les animaux d’élevage, ce qui représente 455 tonnes de matière active1. L’élevage de cochons est le premier consommateur d’antibiotiques, avec 166 tonnes consommées en 20182. Si on ramène à leur poids, les cochons sont les deuxièmes animaux d’élevage les plus exposés aux antibiotiques après les lapins3.
Les risques d’antibiorésistance engendrés par ces pratiques irresponsables sont de plus en plus préoccupants : les antibiotiques distribués massivement aux animaux d’élevage sont de moins en moins efficaces, et à long terme, les bactéries devenues résistantes peuvent être transmises aux humains et générer des infections extrêmement complexes à soigner. En l’espace de 18 ans (entre 2000 et 2018), dans une large partie du monde, la proportion d’antibiotiques devenus inefficaces sur les cochons d’élevage a triplé4.
En France, l’antibiorésistance est déjà la cause de plus de 5 500 décès par an5. Si rien ne change, les maladies infectieuses d’origine bactérienne pourraient redevenir en 2050 une des premières causes de mortalité dans le monde, provoquant jusqu’à 10 millions de morts6. Des experts prévoient que l’antibiorésistance pourrait tuer une personne humaine toutes les 3 secondes7.
Dans les élevages intensifs de cochons, on peut par exemple constater l’utilisation d’antibiotiques tels que l’amoxicilline ou la colistine, deux molécules classées d’« importance critique » (la catégorie la plus haute) par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les risques d’antibiorésistance engendrés pour la population humaine8.
Des conséquences désastreuses sur l’environnement
Outre l’impact sur les animaux et la santé des consommateurs, l’élevage intensif de cochons affecte l’environnement et la santé des éleveurs.
De manière générale, la production de produits d’origine animale est responsable de plus d’émissions de gaz à effet de serre que celle de n’importe quelle autre source de nourriture9. Selon une étude récente, l’élevage est à l’heure actuelle responsable de plus de 15 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine (21 % quand on inclut la déforestation), de 25 % de l’acidification des sols et de 74 % de l’eutrophisation des espaces aquatiques (accumulation d’azote et de phosphore dans l’eau conduisant au développement d’algues et à la mort de l’écosystème existant)10.
En particulier, les élevages de cochons sont, via les énormes quantités de lisier produites, de gros émetteurs d’ammoniac (NH3).
L’ammoniac émis dans l’atmosphère réagit avec des gaz acides et se transforme en ammonium, qui peut se déposer très loin du lieu d’émission. Ces retombées d’ammoniac conduisent à l’acidification des sols et à une nutrition végétale déséquilibrée. Une concentration élevée d’ammonium acidifie également l’eau des rivières et peut aboutir à la prolifération d’algues et à la disparition progressive des plantes aquatiques et des poissons11.
Au total, un tiers de l’azote consommé par un cochon de 100 kg se retrouve sous forme d’ammoniac. Celui-ci affecte l’environnement, mais également la santé des éleveurs de cochons, qui sont plus touchés que le reste de la population par les affections respiratoires, en particulier l’asthme et les bronchites chroniques12.
La France, second pays émetteur d’ammoniac en Europe, est particulièrement touchée. Ses émissions d’ammoniac sont à 97 % d’origine agricole, dont 75 % proviennent des élevages13.
1. En 2018, 728 tonnes d’antibiotiques destinées à la santé humaine ont été vendues en France*, contre 471 tonnes en santé animale (dont 455 tonnes pour les animaux d’élevage)**.
* « Antibiorésistance – Tous les acteurs mobilisés », Santé publique France, [En ligne], 18 novembre 2019.
**Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), 2019. Suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2018, novembre 2019. 102 p. (p. 16).
1. En 2018, 728 tonnes d’antibiotiques destinées à la santé humaine ont été vendues en France*, contre 471 tonnes en santé animale (dont 455 tonnes pour les animaux d’élevage)**.
* « Antibiorésistance – Tous les acteurs mobilisés », Santé publique France, [En ligne], 18 novembre 2019.
**Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), 2019. Suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2018, novembre 2019. 102 p. (p. 16).
2. Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), 2019. Suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2018. 102 p. (p. 16).
3. Ibid, (p. 16).
4. Van Boeckel T. P et al., 2019. « Global trends in antimicrobial resistance in animals in low- and middle-income countries », Science, Vol. 365, Issue 6459.
5. « L’antibiorésistance : pourquoi est-ce si grave ? », Ministère de la Santé et des Solidarités, article mis à jour le 12 septembre 2019, [En ligne].
6. « L’antibiorésistance : pourquoi est-ce si grave ? », Ministère de la Santé et des Solidarités, article mis à jour le 12 septembre 2019, [En ligne].
7. The Review on Antimicrobial Resistance, dir. O’Neill J., 2016. Tackling Drug-Resistant Infections Globally, Final Report and Recommendations, 79 p. (p. 72).
8. OMS (Organisation mondiale de la santé), 2016. Critically Important Antimicrobials for Human Medicine, 5th Revision 2016, Ranking of medically important antimicrobials for risk management of antimicrobial resistance due to non-human use, 48 p.
9. GIEC (Groupement international d’experts sur le climat), 2018. Global Warming of 1.5°C: an IPCC special report on the impacts of global warming of 1.5 °C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty, 630 p.
10. Poore J., Nemecek T., 2018. « Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers », Science, n° 360, p. 987–992.
11. Portejoie S. et al., 2002. « L’ammoniac d’origine agricole : impacts sur la santé humaine et animale et sur le milieu naturel », INRA Productions animales, 15 (3), p.151-160.
12. European Environment Agency, 2016. European Community emission inventory, report 1990–2012 under the UNECE Convention on Long-range Transboundary Air Pollution (LRTAP), 122 p. (p. 47, tableau 3.7.).
13. ADEME, CITEPA, 2013. Analyse du potentiel de 10 actions de réduction des émissions d'ammoniac des élevages français aux horizons 2020 et 2030.