À propos de la souffrance des animaux
À quelques exceptions près, le corps scientifique et les vétérinaires estiment que les souffrances engendrées par l’abattage sans étourdissement sont supérieures à celles d’un abattage avec étourdissement préalable :
- Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) : « En raison des graves problèmes de bien-être animal liés à l’abattage sans étourdissement, un étourdissement devrait toujours être réalisé avant l’égorgement »
- Fédération des vétérinaires d’Europe : « L’abattage des animaux sans étourdissement préalable est inacceptable en toutes circonstances. »
- Conseil national de l’Ordre des vétérinaires : « tout animal abattu doit être privé de conscience d’une manière efficace préalablement à la saignée et jusqu’à la fin de celle ci. »
L’égorgement d’animaux conscients cause généralement plus de peur et de douleur que l’abattage avec étourdissement préalable. Toutefois il serait erroné de laisser entendre que les animaux abattus de façon conventionnelle meurent paisiblement dans les abattoirs. Si l’étourdissement constitue une avancée indéniable, les étourdissements ratés sont légion dans l’abattage conventionnel, et les abattoirs restent des lieux où la terreur n’épargne aucun animal.
La loi impose l’étourdissement préalable…
Dans l’Union européenne, la mise à mort des animaux dans les abattoirs est encadrée par un règlement destiné à limiter leur souffrance.
Ce règlement stipule (article 4.1) :
« Les animaux sont mis à mort uniquement après étourdissement selon les méthodes et les prescriptions spécifiques relatives à leur application exposées à l’annexe I. L’animal est maintenu dans un état d’inconscience et d’insensibilité jusqu’à sa mort. »
Ainsi, lors de l’abattage standard, si la réglementation est respectée, les animaux sont étourdis puis rapidement égorgés.
… sauf exception pour l’abattage rituel
Une exception à la règle précédente est prévue à l’article 4.4. Elle concerne l’abattage rituel (halal ou casher) : « Pour les animaux faisant l’objet de méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux, les prescriptions visées au paragraphe 1 ne sont pas d’application pour autant que l’abattage ait lieu dans un abattoir ».
En pratique
Les abattages rituels peuvent se dérouler avec ou sans étourdissement :
- sans étourdissement : animal immobilisé puis égorgé conscient ;
- avec étourdissement : l’abattage se déroule de la même façon qu’en standard ;
- avec étourdissement après égorgement (« post-stunning ») : les animaux sont étourdis immédiatement après la section des jugulaires. La douleur et la peur provoquées par l’égorgement demeurent, mais la perte de conscience intervient rapidement après.
Début 2020, 51 % des abattoirs de boucherie et 17 % des abattoirs de volailles pouvaient pratiquer des abattages sans étourdissement, dans des proportions variables.
Le pourcentage des animaux abattus sans étourdissement est estimé selon le ministère de l’Agriculture, à au moins :
- 14 % pour la filière bovine
- 28 % pour la filière ovine et caprine.(source : OABA, 2020 (p. 15))
Si la certification halal en France exige la mise à mort des animaux sans étourdissement préalable, c’est plus par usage que par nécessité religieuse. Ainsi, l’Indonésie – pays du monde où les musulmans sont les plus nombreux (200 millions) – accepte que les animaux soient étourdis avant l’abattage.
Selon AVS (À Votre Service), label de certification halal, en France 70 % des bêtes abattues rituellement sont des volailles ; et sur ces 70 %, 90 % sont étourdies par électronarcose avant la saignée (comme en abattage standard).
Étourdissement et abattage religieux sont compatibles
Les raccourcis qui enlisent les débats sur l’abattage rituel sont nombreux. Opposer par principe « abattage religieux » et « étourdissement » en ignorant que l’étourdissement est accepté dans certains pays majoritairement musulmans (comme l’Indonésie ou la Jordanie), et que des personnalités des communautés juive et musulmane y sont favorables, ne favorise pas le dialogue et l’évolution vers des règles d’abattage qui rendraient l’étourdissement systématique.
La question de l’étiquetage
La disproportion entre les abattages rituels et la demande réelle pour une viande issue d’abattages religieux est dénoncée depuis plusieurs années par des associations de protection animale, du fait que souvent, ces abattages sont réalisés sans étourdissement des animaux. Ce problème a fait l’objet de nombreuses campagnes d’information.
Cette réalité est bien connue du gouvernement. En 2005, un rapport officiel (Coperci) estimait : « Il est indéniable que la proportion atteinte par les mises à mort sans pré-étourdissement traduit un détournement de l’esprit des textes sur la protection animale ».
Ainsi, la viande issue d’animaux tués selon un rituel religieux peut être vendue dans le circuit standard sans que cela soit mentionné sur les emballages. Un étiquetage informant les consommateurs du mode d’abattage des animaux freinerait les pratiques d’écoulement de la viande issue de l’abattage sans étourdissement dans les circuits commerciaux non religieux, et donc limiterait l’extension de ce mode d’abattage. En effet, un tel étiquetage induirait un refus d’achat par des consommateurs attachés à l’insensibilisation des animaux, alors qu’actuellement ils achètent à leur insu la chair d’animaux égorgés en pleine conscience.
Du côté politique
Le gouvernement français s’oppose fermement à cette mesure depuis des décennies. Les prises de positions des différents partis ou élus sont répertoriés sur notre site Politique & Animaux.
En novembre 2019, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a préconisé l’application de la réglementation européenne en rendant l’étourdissement obligatoire à l’instar de nombreux autres États-membres.