Lapins

Abattage : étourdissement électrique des lapins

Cet article est la traduction de la section concernant l’étourdissement électrique des lapins du rapport de l’EFSA sur l’étourdissement et l’abattage des volailles publié en 2006 : Opinion of the Scientific Panel on Animal Health and Welfare (AHAW) on a request from the Commission related with the welfare aspects of the main systems of stunning and killing applied to commercially farmed deer, goats, rabbits, ostriches, ducks, geese, pp. 33 à 35.

Traduction libre par Carine Schmit

5.3 Etourdissement électrique et abattage

Le recours à l’étourdissement électrique chez les lapins remonte aux années 1950, époque à laquelle Phyllis Croft a mené des recherches sur son utilisation. De nos jours, les abattoirs commerciaux de lapins l’utilisent très couramment. Cette méthode a recourt à des électrodes en forme de « V », comme on le voit sur la figure ci-dessous, qui peuvent être prises en main ou suspendues au mur.

electronarcose des lapins

matériel électrique pour l’étourdissement des lapins (Photos: S. Diverio)

Quelques études se sont penchées sur l’utilisation de l’étourdissement électrique des lapins du point de vue de leur bien être.

Anil et alii. (1998) ont mené des recherches sur l’activité physique et les réflexes comportementaux de 71 lapins des deux sexes destinés à la consommation (d’un poids allant de 1,7 à 3,1 kg) étourdis dans un abattoir commercial. Les méthodes étudiées portaient uniquement sur les applications à la tête d’un courant de 50 Hz (de forme sinusoïdale) et de 100, 75 ou 50 V pour une durée moyenne des trois à cinq secondes chez trois groupes de dix animaux. Lors d’un deuxième essai, quatre groupes comprenant chacun dix lapins ont été étourdis avec 100 ou 50 V pendant une seconde et pendant trois secondes. Après étourdissement, les lapins étaient placés sur une table et on filmait leur comportement. Le type et la durée d’activité physique spontanée ainsi que le retour aux réflexes ont été mesurés à partir de la vidéo.

Les variations d’impédance sur la tête des lapins étaient considérables en raison de l’épaisseur de leur fourrure et allaient de 300 Ω à plus de 1 500 Ω, quel que soit le voltage appliqué. Par conséquent, les courants s’étalaient de 92-120 mA à 50 V, 138-211 mA à 75 V et 154-279 mA à 100 V. (NB : ces données ne prennent pas en compte 3 animaux qui n’ont pu être étourdis et qui ont été remplacés). Le déclenchement de l’étourdissement a échoué chez un animal à 100 V et chez deux animaux à 50 V. On considérait que l’étourdissement avait réussi lorsqu’on ne remarquait pas de différences significatives entre les différents voltages en termes de durée d’insensibilité apparente. On considérait que le courant le plus bas que pouvait recevoir un animal pour être correctement étourdi devait être au minimum de 140 mA. Le retour à une respiration normale s’effectuait entre 35 et 41 secondes, si le voltage était plus bas on constatait une plus longue absence de respiration rythmée. On constatait le retour des réflexes cornéens au bout de 25 à 26 secondes sans corrélation particulière avec le voltage ou la durée de l’étourdissement. On pouvait s’attendre à une réaction à la suite d’un pincement du museau au bout de 44 à 55 secondes, en fonction de la durée du courant administré.

Maria et alii (2001) ont corroboré les modèles de réaction des lapins après avoir également filmé le comportement qui suivait l’étourdissement de 50 lapins des deux sexes, pesant environ deux kilos, destinés à la consommation pendant au maximum trois minutes. On a soumis des groupes de dix lapins à des combinaisons de différents voltages et différentes fréquences d’un courant continu pulsé et ce pendant trois à cinq secondes. Les méthodes étudiées étaient : 49 V à 179 Hz, 130 V à 161 Hz et à 1667 Hz, 19 V à 161 Hz et à 1667 Hz. Alors que l’on a pu vérifier le voltage et la fréquence, il a été impossible de vérifier l’ampérage.

On n’a pu étourdir 2 lapins à 19 V et on a dû les remplacer. Après un étourdissement considéré comme réussi par les auteurs du test, le réflexe cornéen était rétabli dans une moyenne de 25 à 38 secondes, et mettait plus de temps à revenir lorsque l’étourdissement était effectué à 130 V. La respiration rythmée cessait en moyenne pendant 26 à 33 secondes, l’arrêt ou la durée ne montrant aucune corrélation claire avec les paramètres d’étourdissement. La réaction à un pincement du museau était perdue en moyenne pendant 84 à 119 secondes et les crises tonico-cloniques duraient 29 à 39 secondes environ.

Dans le but de vérifier les affirmations cliniques, Anil et alii (2000) ont enregistré l’électrocorticographie1 de 8 lapins destinés à la consommation, d’un poids allant de 1,7 à 3,1 kg. L’application bi-temporale de 100 V à 50 Hz d’un courant alternatif (de forme sinusoïdale) pendant une seconde déclenchait une activité épileptique classique de type Grand Mal2 chez 6 lapins, dont seulement 2 ont manifesté des crises tonico-cloniques, signe clinique classique de l’épilepsie chez d’autres espèces. Les quatre autres lapins semblaient « étourdis et épuisés ».

Un lapin qui avait reçu un décharge de 22 mA n’a pas manifesté d’activité cérébrale épileptiforme, ni de signes physiques caractéristiques de l’épilepsie, mais son électrocorticographie montrait une activité à pics multiples d’une durée d’environ 13 secondes, ainsi qu’une perte de VER et ECE3 d’une durée de 27 et 24 secondes respectivement, indiquant au moins une courte période d’insensibilité.

A en juger d’après le retour des réflexes, l’étourdissement durait au moins 22 secondes et on observait un rétablissement complet après 144 secondes. Alors que l’on a pu enregistrer les réactions suscitées, les ECE ont été perdus après l’étourdissement et on été absents pendant 24 à 204 secondes, alors que les VER ont disparu pendant 27 à au moins 135 secondes.

En considérant les larges variations des symptômes cliniques chez les lapins étourdis électriquement, les conditions d’étourdissement qui varient très souvent ou qui ne sont pas rapportées, le petit nombre d’animaux pour lesquels on a enregistré un électroencéphalogramme (EEG), ainsi que les corrélations obscures entre les paramètres cliniques et les critères électrophysiologiques de l’inconscience, les recommandations scientifiques en ce qui concerne le courant minimum nécessaire à l’étourdissement efficace des lapins n’ont pu être fournies. Il est nécessaire de continuer les recherches, notamment l’enregistrement de l’électroencéphalogramme et de l’électrocorticographie et des PE4, afin de clarifier la situation.

Néanmoins, étant donné que la méthode est largement utilisée en abattoir, il faut apporter certaines recommandations pour éviter un mauvais usage et préserver le bien être animal.

5.3.1. L’ÉTOURDISSEMENT ÉLECTRIQUE APPLIQUÉ UNIQUEMENT À LA TÊTE

L’appareil électrique le plus communément utilisé pour étourdir les lapins semble être un assemblage d’électrodes en forme de « V » accroché au mur, tel que décrit par Anil et alii (1998-2000) et Maria et alii (2001) (Figures 1a et 1b) : En raison du manque de données scientifiques, on ne peut recommander quel est le courant minimum requis pour étourdir tous les lapins.

Dans les abattoirs, on a recours à des courants de 106 V, d’un à 4 ampères pendant une seconde (Salvi). En suivant cette méthode qui fait passer le courant par la tête, l’égorgement a lieu dans les 5 à 10 secondes suivantes, quand les animaux sont encore en phase tonique (10 à 15 secondes) et on a rapporté un saignement de 10 à 12 secondes. La vitesse de la ligne d’abattage s’échelonne de 500 à 3000 lapins à l’heure, en fonction de la disponibilité du personnel. D’autre part, Cavani et Petracci (2004) ont noté que l’usage commun était le recours à un courant de 50 à 100 V pendant 2 à 3 secondes avant de trancher la gorge de façon unilatérale ou bilatérale, suivi par un saignement de 2 à 3 minutes.

5.3.1.1 Description pratique

Pour éviter la douleur ainsi que les blessures au dos du lapin, l’animal est maintenu par une main passée sous son ventre et l’autre main guide la tête en le tenant par les oreilles.
On place la tête dans l’électrode en forme de « V » de façon à permettre au courant de passer à travers la tête. Les électrodes doivent être reliées entre les coins externes des yeux et la base des oreilles pour couvrir tout le cerveau.
Un courant minimum pour atteindre une profondeur suffisante et assurer un étourdissement assez long chez tous les lapins ne peut être recommandé en raison du manque d’études à ce sujet. Cependant, des courants de moins de 140 mA passant pendant moins de 3 secondes et conduits par moins de 100 volts ne sauraient être considérés comme suffisants.
Dans l’attente de la recommandation d’un courant adéquat à la suite de recherches plus approfondies, on préconise d’utiliser 400 mA, par analogie avec le même type d’étourdissement utilisé chez des espèces de taille similaire.
Ce type d’étourdissement est complètement réversible et ne donnera lieu qu’à un assommement temporaire et court, il faut par conséquent égorger les animaux très rapidement en sectionnant les deux carotides.

5.3.1.2 Points de surveillance

Le signe le plus fiable du déclenchement d’un étourdissement efficace en ayant recours à ce type d’appareil est l’arrêt d’une respiration régulière.

Les symptômes classiques d’une crise d’épilepsie sont la perte de maintien et le début de la phase tonique, caractérisée par un état tonique du corps accompagné d’un relâchement des pattes, puis des convulsions cloniques et contractions désordonnées des quatre pattes. Néanmoins, ces symptômes ne s’observent que chez un certain nombre d’animaux, alors que les autres semblent assommés et épuisés.

On a également noté d’autres signes chez certains lapins : une salivation excessive, la perte du réflexe cornéen pendant au moins 20 secondes et aucune réaction au pincement du museau pendant au moins 30 secondes.

5.3.1.3. Avantages

Le déclenchement immédiat de l’inconscience sous réserve d’une application correcte d’un courant suffisant.

5.3.1.4. Inconvénients

Il existe une large gamme d’impédance en ce qui concerne le flux du courant en raison des propriétés isolantes de la fourrure du lapin. Il en résultera par conséquent un large éventail de courants exercés, influant sur l’efficacité de l’étourdissement.

Les variations rapportées au sujet des symptômes d’un étourdissement efficace rendent difficile la mise en place d’un système de surveillance fiable.

Tenir l’animal par les oreilles pour faciliter l’application du courant peut compromettre son bien être si le poids du lapin n’est pas correctement soutenu.

La santé et la sécurité de l’opérateur doivent être prises en compte car il faut tenir les lapins manuellement pour les étourdir.

Sources

1. L’électrocorticographie est l’enregistrement de l’activité neuronale par l’intermédiaire d’électrodes directement placées sur le cortex cérébral. Cet examen est pratiqué dans le cadre de la chirurgie curative d’une épilepsie pharmacorésistante. (NdT)